Le chercheur rosicrucien intègre rapidement la nécessité de développer certains fondamentaux comme l'intuition, le sanctum, la méditation, la Recherche d'une Lumière toujours plus grande, ou la culture de vibrations élevées.
Il développe ainsi, un état particulier qui porte le nom "d'état intermédiaire" dans lequel ce qu'il recherche, y compris les plus grands secrets, se révèle à lui tout naturellement.
Et il n'a évidemment pas besoin de s'inféoder au gourou de service, cachant sa prétention sous une fausse humilité et qui lui révélera quelques bribes d'informations sous la forme aliénante et frelatée à laquelle il a accès et en menaçant parfois des pires choses qui révèlerait ses "secrets"!
A titre d'exemple de la générosité de la Lumière, voici une petite aventure sur une piste proposée par un Frater américain qui attire l'attention sur l'hypothèse que le fameux "Padre Folio", autour duquel gravitent les hauts enseignements du rosicrucianisme lewissien, aurait laissé sa signature P.F. dans l'ouvrage rare: Symboles Secrets des Rosicruciens au 16e et 17e siècle.
Au sujet de cet ouvrage, Spencer Lewis précise:
"L'ancien livre d'un Frater inconnu restera toujours l'un des biens les plus précieux de l'étudiant sincère", que "le monde a besoin de ces vérités saisissantes" et "l'étudiant sincère fera bien d'analyser avec attention chaque pensée et chaque idéogramme".
Curieusement notre visite nous fait passer à côté d'une indication qui figure pourtant en grosses lettres et en première page...
... pour aller dénicher les petits caractères d'une mystérieuse planche de la page 47 consacrée à la "Virgin Sophia"...
Cela mérite un agrandissement.
Nous remarquons que les initiales P.F. sont encadrés par deux formules latines assez connues de la tradition rosicrucienne: "sub umbra alarum tuarum" et "consumatum est".
La première signifie "à l'ombre de tes ailes", c'est en particulier la formule finale de la Fama Fraternitatis, tandis que "consumatum est" exprime à la fois "tout est consumé" et "tout est consommé" et fait référence aux dernières paroles attribuées à Jésus sur la Croix.
Et notre attention se laisse attirer par le curieux petit texte qui suit qui constitue certainement une piste plus facilement abordable.
Nous voyons dans le médaillon, à gauche de l'inscription, un volatile à deux têtes couronné d'un globe et d'une croix et surmontant les symboles alchimique du mercure, du soufre et du sel que les rosicruciens préfèrent exprimer de nos jours plus simplement par la Vie, la Lumière et l'Amour.
L'inscription précise que le volatile est un phœnix, c'est bien sûr, la représentation médiévale du "benou" d'Héliopolis, mais quelques clefs rarement données sont ici particulièrement intéressantes: le fait qu'il ponde 3 œufs peut constituer une révélation, tout comme le symbole rosicrucien du "globe crucifère" de la couronne!
L'explication claire mérite notre méditation.
"Un jeune coq picore"...
Jeune signifie naturellement "inexpérimenté" et le jeune coq picore tout ce qu'il trouve au point de s'en rendre parfois malade...
C'est le moment de laisser un vieux conte russe accéder à notre conscience...
Il était une fois un jeune coq très désobéissant. Il n'écoutait jamais les conseils de sa vieille poule de mère. Il courait partout, il battait des ailes sans arrêt, chantait toute la journée, mangeait n'importe quoi... La vieille poule le grondait. Mais le jeune coq n'en faisait qu'à sa tête. Ce jour-là, ils partirent dans les bois pour picorer des graines.
Petit coq, fais bien attention, il y a des graines trop grosses pour toi. Prends ton temps ! Écoute-moi...
Mais, sous un chêne, le petit coq toujours pressé, avala un vieux gland et s'étrangla. Sa vieille mère eut très peur lorsqu'elle le vit étendu sur le sol, comme mort, la crête pendante, le bec ouvert.
Inquiète, elle se rendit chez la fermière et lui dit: -Fermière! Fermière! Donne-moi vite du beurre! Le petit coq s'étrangle avec un gland! Mais la fermière répondit: -File vers la vache, demande-lui du lait et je ferai du beurre avec la crème.
Toute tremblante, la vieille poule courut vers la vache et lui dit: -Gentille vache, donne-moi du lait s'il te plaît! La fermière fera du beurre avec la crème et je donnerai le beurre au petit coq qui s'étrangle avec un gland!
Mais la vache répondit: -Va demander au fermier de l'herbe fraîche et je donnerai du lait. Affolée, la vieille poule courut vers le fermier et lui dit: -Fermier! Fermier! Donne-moi de l' herbe fraîche! Je la ferai manger à la vache, la vache me donnera du lait, la fermière fera du beurre avec la crème et moi je donnerai le beurre au petit coq qui s'étrangle avec un gland!
Mais le fermier répondit: -Dépêche-toi d'aller demander une faux au forgeron et je te donnerai de l'herbe fraîche. Désespérée, la vieille poule s’élança à toutes pattes chez le forgeron et lui dit: -Forgeron! Aide-moi je t’en prie! Est-ce que tu veux bien faire une faux pour le fermier? Il me donnera de l’herbe fraîche pour la vache, la vache me donnera du lait, la fermière fera du beurre avec la crème et moi je donnerai le beurre au petit coq qui s’étrangle avec un gland! Lorsque le forgeron eut écouté la pauvre vieille poule désespérée, il accepta de faire une faux pour le fermier, le fermier coupa de l’herbe fraîche pour la vache, la vache offrit du lait à la fermière, avec la crème du lait, la fermière fit du beurre bien gras qu’elle remit dans un bol à la poule. Alors la vieille poule courut déposer le beurre dans le gosier du petit coq. Le beurre entraîna le gland. Le petit coq se réveilla, battit des ailes, se percha sur le chêne et put enfin se remettre à chanter.
L'explication mentionne aussi un œuf avec deux jaunes...
Dans notre civilisation moderne qui se nourrit d'œufs de supermarché, nous avons oublié que les œufs à deux jaunes sont caractéristiques des jeunes poules qui commencent à pondre...
Il reste à comprendre ce que signifie l'œuf contenant de l'air.
Évidemment cela ne veut pas dire qu'il est vide, et si un habitué du Bistrot ne manquera pas de penser à la divinité Shou séparant Geb (la terre) et Nout (le ciel), un alchimiste songera pour sa part à la séparation du "fixe" et du "volatile"...
Il reste à bien comprendre pourquoi notre aigle-phénix possède deux têtes.
Avec une seule tête, il exprimerait déjà une certaine forme de maîtrise en se plaçant au dessus des autres oiseaux.
Mais sous la forme bicéphale, le dessinateur insiste sur un aspect encore plus élevé...
Si l'on constate qu'une tête regarde à gauche et l'autre à droite, la tradition égyptienne nous fournit une première interprétation avec sa formule mystérieuse "je suis d'hier et je connais demain...", mais les deux regards réunis de l'aigle couvrent également l'Orient et l'Occident.
Évidemment il s'agit d'une allusion à une forme élevée de réalisation, un signe de Grand-Maître!
Naturellement ce symbole traditionnel d'initié a vocation à être récupéré par le pouvoir temporel et nous ne nous étonnerons pas de le retrouver dans les armoiries de nombreuses familles royales.
Mais ce n'est pas tout, nous le retrouverons même dans les Hauts Grades commémoratifs du Rosicrucianisme que la Franc-Maçonnerie a introduit dans sa tradition à la fin du 18e siècle.
Nous voyons en particulier cet aigle bicéphale sur la jolie planche maçonnique qu'une Soror nous avait gentillement offerte et qui représente les correspondances entre le Rite d'York à droite et le Rite Écossais à gauche, formant une arche.
Nous apprécions au passage la différence entre cette construction d'arche et la démarche rosicrucienne d'épuration intérieure.
L'œil à droite dans le G évoque naturellement le Grand Architecte de l'Univers cher à la Franc-Maçonnerie alors que les Rosicruciens auraient davantage évoqué la Grande Lumière Unificatrice du Verbe.
Et nous remarquons précisément notre aigle bicéphale à deux reprises sur les Hauts Grades les plus élevés de la montée de gauche.