Je me souviens si bien de ce jour ! Allongée sur mon canapé dans le salon, je me sentais plutôt déprimée et un peu découragée, mon mari étant sans emploi depuis deux ans, sans aucune perspective en vue.
Il était fier et ne laissait pas ses amis savoir qu’il était inactif et l’avenir ne semblait pas très prometteur.
Et, lorsqu’une inconnue se présenta chez nous, disant qu’elle venait me voir pour une affaire importante. Je l’invitai à entrer.
Déterminés à faire du club un succès, certains membres organisèrent une réunion et m’envoyèrent chercher.
Je m’y rendis et écoutai attentivement les problèmes soulevés. Je proposai de venir au club pendant l’heure du déjeuner, durant une ou deux semaines, et de m’installer au bureau près de l’entrée et d’interviewer chaque personne qui franchirait le seuil, dans le but de mieux comprendre les difficultés rencontrées.
Le jeune avocat de Madame P. déclara: Je ne laisserai pas Madame Clemens venir ici pendant deux semaines sans être rémunérée. Une dame qui avait investi 1 800 dollars intervint et promit de m’offrir cinquante dollars si j’acceptais.
Ainsi en fut-il décidé, je me rendis sur place chaque jour de midi à deux heures et interrogeai toutes les personnes qui entraient.
J’appris que les dames, pensant s’inscrire à un club exclusif, découvraient à présent que Madame P. y faisait entrer des hommes et des femmes de la rue, ce qu’elles désapprouvaient.
Au terme de ces deux semaines, je réunis les dames responsables du salon de thé et leur expliquai qu’elles ne disposaient d’aucune structure légale. Madame P. encaissait l’argent et en faisait usage à sa convenance. Pas de présidente, pas de secrétaire, pas de trésorière, pas de conseil d’administration.
On me demanda si j’accepterais de créer le club dans le cadre de la légalité, entourée des personnes qui soutenaient mon point de vue. Je réunis alors quelques dames ainsi que des amies de la haute société, toujours prêtes à soutenir mes initiatives.
J’organisai un déjeuner pour quinze personnes, certaines déjà membres, d’autres de mes amies et, pendant le déjeuner, j’exposai l’objectif de cette réunion.
Je demandai à la dame la plus en vue si elle accepterait la présidence du club, ce qu’elle agréa à condition que j’en sois la secrétaire, ce à quoi j’adhérai.
Cependant, je précisai que je ne m’impliquerai en aucun projet où des femmes pourraient subir des pertes financières.
Avec un conseil d’administration, nous envoyâmes davantage d’invitations, et un millier de dames s’inscrivirent. Nous décidâmes de verser un salaire à Madame P., nous organisâmes des thés dansants l’après-midi, des parties de whist et trois soirées dansantes formelles pendant l’hiver.
Au terme d’une année, Madame P., gagnée par une vive jalousie à mon égard, adopta un comportement qui devint rapidement insupportable.
Je fis savoir aux deux avocats, celui de Madame L. et celui de Madame P., que je ne pouvais continuer.
L’avocat de Madame L. demanda à celui de Madame P. si le club pouvait continuer avec Madame P. sans Mme Clemens. Il répondit par la négative.
On lui demanda ensuite si le club pouvait continuer avec Madame Clemens sans Madame P, et sa réponse fut : oui.
Madame P. reçut 3 000 dollars et fut congédiée.
À l’époque, Madame L. résidait à Bar Harbor, et son avocat suggéra que je me rende chez elle et que mes frais de voyage soient couverts. L’objectif était de lui raconter l’histoire de cette entreprise dont elle avait été la principale instigatrice, et de lui demander si elle accepterait de garantir une certaine somme pour sa pérennité. En effet, liée par un bail de trois années supplémentaires, Madame L. restait tenue de payer le loyer, que le club poursuive ses activités ou non.
Je restai trois jours chez elle, reçue avec faste et promenée dans tout Bar Harbor. Elle se prit d’affection pour moi et me donna un accord écrit stipulant que, tant que je souhaiterais continuer, elle couvrirait tout déficit, mais elle insista pour que mon temps soit rémunéré.
En janvier 1912, ma mère fit une chute qui entraîna son décès. Le médecin me téléphona, me demandant de venir immédiatement. Elle survécut deux semaines, et je restai à son chevet tout ce temps. Elle ne supportait pas que je m’éloigne une minute. Elle ne réalisait pas qu’elle partait, elle disait : Ne me quitte pas, je mourrai si tu le fais.
Après son décès, je restai le temps nécessaire pour tout organiser puis ma sœur et son mari prirent la suite. Elle avait laissé un testament, et rien ne pouvait être fait avant le délai d’un an. Je retournai à Boston épuisée, mais je repris mes fonctions au club et honorai mes nombreux autres engagements.
La mort soudaine de ma mère me donna l’impression que la moitié de ma vie s’était éteinte. Elle avait été mon souci pendant si longtemps, partageant chacune de mes pensées tout au long de ma vie jusqu’alors. Elle laissa un vide difficile à combler. Elle m’aimait et disait souvent qu’elle ne vivait que lorsque j’étais près d’elle, se contentant d’exister en mon absence.
J’ai souvent senti sa présence m’envelopper ici, sur ce plan matériel, car l’amour est le seul attribut durable qui demeure lorsque l’âme s’envole vers d’autres royaumes.
Un autre chapitre de ma vie s’était achevé.
- début des Confidences de Marie-Louise
(à suivre..)
Anglais :
Love is the only lasting attribute that remains when the soul flies to other realms.
Allemand :
Die Liebe ist die einzige bleibende Eigenschaft, die bleibt, wenn die Seele in andere Reiche aufsteigt.
Espagnol :
El amor es el único atributo duradero que permanece cuando el alma vuela hacia otros reinos.
Italien :
L’amore è l’unico attributo duraturo che rimane quando l’anima vola verso altri regni.
Portugais :
O amor é o único atributo duradouro que permanece quando a alma voa para outros reinos.
Grec :
Η αγάπη είναι το μόνο διαρκές γνώρισμα που παραμένει όταν η ψυχή πετά σε άλλα βασίλεια.