Toute ma vie, j’avais renoncé aux plaisirs mondains pour accomplir mes devoirs tels que je le concevais.
Il était parfois difficile de déterminer où se trouvait mon plus grand devoir.
Un jour, alors que je me trouvais chez ma mère, je confiai à une vieille voisine, mère de ma meilleure amie : Je suis entre deux feux : ma mère a besoin de moi ici, et mon mari a besoin de moi à Boston.
Sa réponse fut : Et si personne n’avait réellement besoin de toi ? C’est mon cas - Sa fille, mon amie, était décédée après une longue maladie, et sa mère ne s’en était jamais remise.
Pendant sa période de deuil et après, cette femme aurait pu se rendre utile. Elle aurait pu venir visiter ma mère, passer des heures près d’elle ou près d’autres voisins malades, mais son égoïsme la garda cloîtrée jusqu’à sa mort, avec peu d’amis pour la regretter. Elle n’est, hélas, que l’une des nombreuses femmes de ce genre dans le monde.
J’exhorte tous ceux que je rencontre à créer des liens d’amitié tout le long de leur vie.
Aujourd’hui, à quatre-vingt-neuf ans, je reçois trois ou quatre cents cartes à Noël. Les amis de mon enfance sont tous partis. Ceux que j’ai côtoyés, avec qui j’ai marché et travaillé le long de ma vie disparaissent peu à peu mais je continue à rencontrer de nouvelles personnes et à me créer de nouveaux liens d’amitié. Il en sera ainsi jusqu’à ce qu’à mon tour, le temps soit écoulé et que j’aille travailler sur d'autres plans de cet Univers.
Un vieil adage dit : Pour avoir un ami, il faut être un ami.
Après avoir pris ma décision concernant les visites chez ma mère et avoir entendu cette voix me dire : Tu dois aller vers un champ d'action plus large, je passai une année à préparer mon trousseau.
Mes amies m’aidèrent à confectionner de nombreux ensembles de lingerie.
À cette époque, que l'on appelle maintenant la Belle Epoque, un ensemble complet se composait d'une culotte, d'une chemise, d’un corset, d'un cache-corset, d'une jupe courte, d'une jupe longue et d'une chemise de nuit.
Cela représentait douze ensembles en tout. Beaucoup étaient brodés ou cousus à la main, et agrémentés de nombreuses dentelles.
Je n'avais aucune idée du genre d’existence que j'allais mener, mais je désirais avoir de jolies choses. Je les avais gagnées, je les ai donc obtenues. Je possédais toutes sortes de robes pour toutes les occasions.
Je me suis mariée dans ma robe de voyage, sans cérémonie fastueuse, et nous prîmes directement le train pour New York puis le bateau qui devait nous emmener en Allemagne, avec un arrêt à Southampton pour laisser nos malles, et continuer ensuite via la mer du Nord jusqu’à Berlin.
A ma grande surprise, les habitants des villes de tous les horizons m'offrirent des cadeaux que je chéris encore aujourd'hui. Je laissai ma mère déballer tous les paquets qui arrivaient. Je me souviens qu’elle y prenait un grand plaisir.
Jusque là, dans ma vie, mes pensées n'avaient pas été tournées vers le mariage.
Mes pensées et mes ambitions s’étaient davantage concentrées sur le perfectionnement des talents que je pouvais développer. Mes professeurs de musique et de peinture m'avaient dit que je pouvais exceller dans ces deux arts mais je savais qu'ils ne seraient pas l'œuvre de ma vie. Je n'étais pas née pour vivre uniquement pour moi-même. J'étais toujours bien plus heureuse lorsque je me consacrais aux autres. Mais je réalisais qu'en prenant des cours de musique et de peinture, en ayant une expérience personnelle de ces deux arts, je serais capable de les apprécier encore davantage.
Le pasteur épiscopalien m’avait offert L’Art et les peintres Modernes [Modern Art et Painters] de John Ruskin et je me demandais en les lisant si j’aurais un jour le plaisir de voir ces grands tableaux qui y étaient mentionnés.
Je peux dire aujourd’hui que j’ai fait le bon choix, car si je n’avais pas étudié la musique et la peinture, je n’aurais pas été en mesure d’apprécier ces magnifiques tableaux que j’ai découverts en Allemagne, en France et en Angleterre. Je n’aurais pas pu apprécier non plus le grand opéra auquel j’ai assisté pour la première fois à Dresde puis en France et à Londres.
Nous étions par hasard à Dresde à l’ouverture de la saison du grand opéra. Nous eûmes la chance d’obtenir deux places dans une loge en face de celle occupée par le roi de Saxe. La représentation était Le Songe d'une Nuit d'été [Ein Sommernachtstraum] de Mendelssohn. Nous devions porter des tenues de soirée mais, ayant laissé nos bagages à Southampton, nous avions avec nous seulement le strict nécessaire.
Que faire ?
Le réceptionniste de l'hôtel où nous étions descendus dit à mon mari : Je peux vous procurer le meilleur costume de maître d'hôtel et votre épouse pourra aller acheter une tenue appropriée, ce que fis.
J'ai beaucoup apprécié ce premier opéra qu’aucun mot ne peut décrire.
Le lendemain soir, nous sommes allés écouter Les Maîtres chanteurs de Nuremberg [Die Meistersinger von Nürnberg] de Richard Wagner. De six heures à minuit, assis dans notre loge, nous avons écouté ce merveilleux orchestre et ces voix superbes.
Je n'ai jamais rien entendu de tel que ces voix et cette musique orchestrale, même à l'opéra de Paris ou de Londres, et j'ai entendu le meilleur de ce que ce pays a de meilleur à offrir. Et j’ai la certitude que ce n'était pas ma toute jeune expérience de l'opéra qui influençait mon ressenti. Mon mari, en tant que chanteur, avait reçu son diplôme à Londres très jeune et, ayant lui-même chanté à l’opéra, déclara qu’il n’avait jamais entendu un tel chant ni assisté à une telle production orchestrale que celle vue et entendue là-bas.
Nous avons parcouru tous les principaux points d’intérêt en Allemagne, avons visité Berlin, Dresde, Leipzig, Francfort et Potsdam, où le Kaiser Guillaume avait son magnifique domaine. Nous n’avons rien vu lors de ce voyage qui égale les jardins de Potsdam. Nous nous sommes assis sur le siège de marbre en demi-lune dans le jardin, Stanley à une extrémité et moi à l’autre, et avons conversé à voix basse, tout comme nous l’avons fait plus tard dans la cathédrale Saint-Paul à Londres, où deux personnes peuvent s’assoir de chaque côté du dôme et chuchoter tout en étant à même de s’entendre. Il en est de même dans le temple mormon de Salt Lake City, dans l’Utah.
Nous avons fait une excursion sur l'Elbe et avons grimpé sur le plus haut sommet de la montagne. Nous avons visité les caves à vin de Leipzig, où Goethe a composé la majeure partie de son Faust. De Francfort, nous avons remonté le Rhin, auquel notre Hudson est comparé, mais il y a une grande différence entre les deux : le Rhin est grandiose, alors que je trouve notre Hudson magnifique. De chaque côté du Rhin se trouvent de vastes vignobles et de vieux châteaux. Notre Hudson a de beaux arbres et de riches maisons cossues.
Nous avons accosté à Cologne et avons visité sa grande cathédrale. De là, nous sommes allés à Bruxelles et y sommes restés deux jours, puis à Paris.
Nous sommes descendus dans un hôtel face à la Seine. Nous avons pris les circuits de Cook’s Tours tout autour de Paris puis visité les principaux sites touristiques de France.
Fontainebleau et bien d’autres lieux me semblaient familiers, évoquant en moi des impressions diffuses de déjà-vu. J'ai appris depuis la raison de ces impressions en découvrant quelques unes de mes incarnations passées.
La dernière s’était déroulée en France (c’est pour cette raison que l’Allemagne toute proche, m’avait parue si familière en la visitant).
- début des Confidences de Marie-Louise
(à suivre..)
Anglais :
I was always much happier when I dedicated myself to others.
Allemand :
Ich war immer viel glücklicher, wenn ich mich anderen widmete.
Espagnol :
Siempre era mucho más feliz cuando me dedicaba a los demás.
Italien :
Ero sempre molto più felice quando mi dedicavo agli altri.
Portugais :
Eu sempre era muito mais feliz quando me dedicava aos outros.
Grec :
Ήμουν πάντα πολύ πιο ευτυχισμένη όταν αφιέρωνα τον εαυτό μου στους άλλους.