C'était devant la cathédrale...
Sans doute sous l'effet des "boissons du Bistrot", tout se passait comme si pas moins de 4 cathédrales se superposaient...
Il y avait celle des croyants, et nous étions à Paris, ou à Amiens, peut-être à Reims, où à Angers... Quelle importance finalement?...
Il y avait celle des occultistes appréciant les 3 portails à la recherche du Trivium Herméticum, les 3 voies hermétiques que sont l'astrologie, l'alchimie et la magie, cette dernière parfois ciblée sous l'angle de la théurgie...
Il y avait aussi la "Cathédrale de l'Âme" de Spencer Lewis, ce processus de méditation pour accéder à l'état transcendant de la "conscience cosmique".
Il y avait enfin le "Sanctum Céleste", l'égrégore que certains héritiers de Spencer Lewis trouvent judicieux d'alimenter au lieu de la "Cathédrale de l'Âme"...
C'est alors qu'un médaillon de la façade, sans doute plus illuminé que les autres attira le regard...
C'était un volatile qui plongeait son long bec dans le cou d'un animal qui paraissait souffrir, un loup peut-être...
N'étais-ce pas un thème que La Fontaine avait repris dans son "Loup et la Cigogne"...
Souvenons nous...
Un loup avait un os coinçé dans son gosier et une cigogne vint lui retirer et lorsqu'elle y parvint, elle attendit en vain du loup un "salaire"...
C'était une vieille histoire. Le net mentionne "une grue et un loup" chez Phèdre, un siècle après JC et Esope le phrygien, 6 siècles avant JC évoquait "un héron et un loup" (voir les 3 fables à la fin du message)...
En Orient le loup pourrait être un tigre noir...
- "Et le héron, un osagi..."
La voix venait de derrière, et c'était celle du Senseï O-Shita...
Souvenons nous de l'épisode de l'autoroute et du message "Quand un Osagi est élevé par une Poule" dont tant de buveurs espéraient un jour une suite!
Il y a des moments merveilleux dans la vie et c'en était un...
Un médaillon, sorti de l'ombre, lui permettait de délivrer une nouvelle part de son haut enseignement!
L'interrogation muette et sincère devant la cathédrale était une bonne manière de s'adresser à lui et il se manifestait en poursuivant:
- "Il est dit chez nous qu'un osagi met 7 ans à comprendre"...
Les éléments se précisaient: notre osagi avait quitté la basse cour et poursuivait sa formation...
Que représentait le loup?
A l'évidence il s'agissait d'un personnalité peu recommandable, mais notre osagi avait encore la faiblesse de se croire indispensable à la transmission universelle de la Lumière et escomptait peut-être transformer un loup...
Evidemment il est justifié et légitime de s'efforcer de transmettre la Lumière!
Mais dans sa progression, un maître ne doit-il pas apprendre à discerner ceux qui en feront bon usage et ceux qui au contraire nous invitent à leur rendre service mais qui, finalement, ne feront que nous vampiriser?
Les éviter constitue la seule issue alors que l'égo qui se prend pour un sauveur indispensable est toujours prêt à intervenir...
Mais pourquoi 7 ans à comprendre? S'agissait-il de 7années terrestres ou de 7 années symboliques de tribulations ?
Aucune question n'était formulée, mais Senseï O-Shita livra un complément d'explication:
-"Nous nommons cela, l'Épreuve des Mendiants..."
L'enseignement se précisait: en quelque sorte, celui qui n'est pas capable de reconnaissance ne devrait pas être aidé...
L'idée basique est relativement simple: une aide inconditionnelle encourage l'assistanat.
Et naturellement, il conviendrait de ressentir, avant d'agir, cette absence du potentiel de gratitude chez le "mendiant" alors que nous sommes tentés d'imaginer que notre aide va, au contraire, permettre la profonde transformation de celui qui la reçoit...
- "Et si l'osagi ne discerne pas celui ou celle qui n'a pas ce potentiel de gratitude, au lieu de s'envoler comme il le mériterait, il se maintient sur terre au niveau de l'animal glouton"...
- "Et cet animal glouton serait condamné à ne jamais s'envoler?"
- "Oh si! Il s'envolera certainement un jour, lorsqu'il abandonnera les choses bien lourdes auxquelles il est attaché au point de croire qu'il est lui même définitivement lourd... Mais il est une leçon pour l'osagi qui, lui non plus, n'a pas compris qu'il n'a pas à prendre sur lui une charge qui n'est pas de sa nature...
Le médaillon illuminé ou sans doute l'aura du Maître donnait à la cathédrale une luminosité particulière qui conduisait à poser la question suivante:
- "Et aucune de ces 3 portes de lumière ne peut les aider à s'alléger?"
- "Les 3 portes sont-elles vraiment les mêmes pour l'osagi et pour le loup?
Il y a une Porte des Astres... Le loup ne voit-il pas un zodiaque et sa servitude là où l'osagi peut recevoir son Enseignement?
"La Porte des Transmutations pourrait transformer le loup, mais le veut-il réellement? Sa volonté le pousse au contraire à s'efforcer d'avaler les charges indigestes d'une alchimie illégitime tant externe qu'interne...
L'osagi au contraire, dans la mesure où, pour se changer lui même, se détache du désir d'influencer le monde, hérite précisément du pouvoir de le transmuter..."
- "Et la porte de la magie ne pourrait-elle lui permettre de canaliser l'énergie céleste?"
- "Son cœur de loup est tellement chargé qu'il demeure étranger à cette énergie: sa plus grande sincèrite ne lui permet donc pas d'envisager son existence et il se complait à vampiriser avidement l'énergie de son milieu naturel. Il se dissocie même de sa conscience pour en faire un ange extérieur...
L'osagi doit naturellement considérer avec le plus grand respect le monde d'astralité dans laquelle vit le loup, incapable d'imaginer qu'il se révèle pour l'osagi un enseignant involontaire...
Mais l'osagi laisse s'éveiller graduellement en lui son droit légitime à canaliser la force la plus profonde de son cœur...
Seul l'osagi libéré de certaines tentations se rend digne un jour de l'ouverture des vraies portes..."
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La Fontaine: "le Loup et la Cigogne"
Les Loups mangent gloutonnement.
Un Loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement
Qu'il en pensa perdre la vie :
Un os lui demeura bien avant au gosier.
De bonheur pour ce Loup, qui ne pouvait crier,
Près de là passe une Cigogne.
Il lui fait signe ; elle accourt.
Voilà l'Opératrice aussitôt en besogne.
Elle retira l'os ; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
"Votre salaire ? dit le Loup :
Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ? ce n'est pas encor beaucoup
D'avoir de mon gosier retiré votre cou ?
Allez, vous êtes une ingrate :
Ne tombez jamais sous ma patte. "
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Phèdre "Lupus et gruis", le Loup et la Grue
Qui pretium meriti ab improbis desiderat,
bis peccat: primum quoniam indignos adiuvat,
impune abire deinde quia iam non potest.
Os devoratum fauce cum haereret lupi,
magno dolore victus coepit singulos
inlicere pretio ut illud extraherent malum.
Tandem persuasa est iureiurando gruis,
gulae quae credens colli longitudinem
periculosam fecit medicinam lupo.
Pro quo cum pactum flagitaret praemium,
'Ingrata es' inquit 'ore quae nostro caput
incolume abstuleris et mercedem postules'.
(Attendre des méchants la récompense d'un bienfait c'est commettre une double faute : d'abord, on a obligé des ingrats; ensuite, on ne peut plus leur échapper sans danger.
Un os qu'un Loup avait dévoré gloutonnement lui restait dans le gosier. Vaincu par l'excès de la douleur, il demandait secours, promettant une récompense à qui le délivrerait de son mal. La Grue se laisse enfin persuader par ses serments; elle confie la longueur de son cou à la gueule du Loup, et fait cette dangereuse opération. Comme ensuite elle réclama son salaire : "Tu es une ingrate, lui dit-il : quoi! tu as retiré ta tête saine et sauve de mon gosier, et tu me demandes une récompense".)
Plaute "Le Loup et le Héron" (traduction Emile Chambry 1927)
Λύκος καὶ ἐρωδιός.
Λύκος καταπιὼν ὀστοῦν περιῄει τὸν ἰασόμενον αὐτὸν ζητῶν.
Περιτυχὼν δὲ ἐρωδιῷ, τοῦτον παρεκάλει ἐπὶ μισθῷ τὸ ὀστοῦν
ἐκβαλεῖν. Κἀκεῖνος καθεὶς τὴν ἑαυτοῦ κεφαλὴν ει̣ς τὴν φάρυγγα
αὐτοῦ τὸ ὀστοῦν ἐξέσπασε καὶ τὸν ὡμολογημένον μισθὸν ἀπῄτει. Ὁ
δὲ ὑποτυχὼν εἶπεν· "Ὧ οὗτος, οὐκ ἀγαπᾷς ἐκ λύκου στόματος σώαν
τὴν κεφαλὴν ἐξενεγκών, ἀλλὰ καὶ μισθὸν ἀπαιτεῖς;"
Ὁ λόγος δηλοῖ ὅτι μεγίστη παρὰ τοῖς πονηροῖς εὐεργεσίας ἀμοιβὴ τὸ
μὴ προσαδικεῖσθαι ὑπ' αὐτῶν.
(Un loup, ayant avalé un os, allait partout cherchant qui le débarrasserait de son mal. Il rencontra un héron, et lui demanda moyennant salaire d’enlever l’os. Alors le héron descendit sa tête dans le gosier du loup, retira l’os, puis réclama le salaire convenu. -"Hé ! l’ami", répondit le loup, "ne te suffit-il pas d’avoir retiré ta tête saine et sauve de la gueule du loup, et te faut-il encore un salaire ?"
Cette fable montre que le plus grand service qu’on puisse attendre de la reconnaissance des méchants, c’est qu’à l’ingratitude ils n’ajoutent l’injustice.)