Comme chacun sait, l'enfer est pavé de bonnes intentions...
L'histoire commence en 1912 lorsque l'archéologue allemand Ludwig Borschardt, lassé de trouver des têtes de Nefertiti plus ou moins amochées décida de restaurer le noyau en calcaire de l'une d'elles. Le restaurateur s'appelait Gerhard Mark. Il utilisa des pigments d'époque et compléta ses manques en s'inspirant des représentations de divers bas-reliefs...
Le résultat est bien connu, c'est le fameux buste de Nefertiti dont nous retrouvons la photo un peu partout...
L'intention n'était donc pas du tout de faire un faux, mais seulement de simuler l'apparence qu'aurait pu avoir un buste intact de la 18ème dynastie, mais le moins que l'on puisse dire c'est que le "Jugendstil" allemand, à la mode à cette époque influença fortement le restaurateur...
Un premier coup de pouce du destin survint avec la visite sur le chantier de Tell-el-Amarna de deux princesses de Saxe qui s'enthousiasmèrent pour le buste. C'eut-été alors une insulte envers leurs majestés de leur révéler qu'il s'agissait seulement d'un travail expérimental.
En 1913 la mission allemande se termina et l'Allemagne et l'Egypte se répartirent équitablement les œuvres. Mais le buste, qui fut considéré comme une pièce sans grande valeur resta dans un coin sombre de la pièce où le partage s'effectua.
Le rapport mentionne à son sujet une "pièce en gypse", ce qui est erroné car le noyau est un bloc de calcaire. Le buste sort donc d'Egypte assez discrètement et n'est même pas exposé, c'est un sponsor de la mission, James Simon, qui le conserve chez lui...
Mais l'œuvre est déjà connue et en 1923, des amateurs d'art demandent un rapport et Ludwig Borschardt rédige sommairement quelques lignes.
En 1932 James Simon lègue aux musées allemands ses immenses collections. et l'Egypte qui s'intéresse de plus en plus au buste se sent spoliée. Une restitution est alors envisagée dans le cadre d'un échange contre quelques statues...
Mais en 1933, Hitler, déjà à la tête du parti des travailleurs allemands depuis 1921 devient Chancellier et il voit en Nefertiti une princesse hittite, par conséquent aryenne. Le buste lui plaît énormément et l'accord avec l'Egypte échoue...
Il est vrai que le buste propose une stature plus carrée, un nez plus droit, des joues plus creuses, et l'ensemble est certainement plus proche de Marlène Dietrich que le portrait initial de l'épouse d'Akhenaton comme le montre cette radiographie de l'œuvre.
Depuis un an, la fausse Nefertiti est la vedette du nouveau musée de Berlin. C'en est même la Joconde déclare Henri Stierlin qui a mené et publié une longue enquête sur le buste.
C'est vrai que le musée reçoit plus d'un million de visiteurs par an et que le buste en est la principale vedette!
Naturellement l'égyptien Zahi Hawass qui était jusqu'à ces derniers jours, au Caire, directeur du Conseil Suprême des Antiquités souhaitait récupérer l'œuvre pour le futur Musée du plateau de Gizeh qui ouvrira en 2012.
Après la chute du gouvernement Moubarak, Zahi Hawass (considéré comme assez proche) a logiquement annoncé sa démission le 3 mars 2011. (Après avoir été renommé à son poste, il a à nouveau démissionné et nous en sommes à son 2e successeur: Moustapha Amine).
On se souvient que le Musée des Antiquité Egyptienne auquel Zahi Hawass avait consacré beaucoup d'efforts a été pillé en janvier 2011 par des voleurs qui profitent de la situation difficile du pays et qui auraient naturellement fait main basse sur le buste s'ils l'avaient trouvé...
(à suivre: l'Idole de l'Amour)