Je me revois un jour où j'avais quitté le salon pour le pont supérieur et je l'avais trouvé face au soleil, les yeux fixés dans le lointain de la mer.
Son port était altier et il semblait irradier de sa haute stature un pouvoir dominant. Je m'arrêtais pour mieux l'examiner. Il était, de toute évidence, intensément intéressé par quelque chose. Mais par quoi ? Par le soleil levant ? Et tandis que je l'observais sans être vu, en le fixant comme une statue de bronze, un ressenti de stupéfaction m'envahit. Je ne pouvais m'empêcher de penser que j'avais affaire à un mystique de l'Orient.
Cependant, ses plaisanteries joviales, et sa façon caractérisée d'éviter tout sujet d'ordre occulte ou mystique ne suggéraient en aucune façon qu'il put être autre chose qu'un hindou. En tous cas, mes efforts répétés pour amener les conversations sur la philosophie mystique, et surtout sur la sagesse de l'Inde, ne pouvaient que lui révéler les valeurs personnelles, morales et religieuses, ainsi que les pratiques auxquelles j'étais attaché.
Nous arrivâmes à Cherbourg sur la côte française le dimanche matin 1er août. Le baie était habillée en tenue de gala en raison de la présence du yacht personnel du Tsar escorté d'un grand nombre de vaisseaux de guerre russes. Le Tsar rendait une visite officielle au président français.
Un voyage de six heures nous conduisit, mon compagnon et moi, à Paris. Nous nous séparâmes à la porte de mon hôtel, pleinement convaincus que nous ne nous reverrions jamais plus.
Avant d'atteindre Paris, toutefois, j'avais demandé à un bon nombre de mes rencontres du pont de signer une image du navire et mon compagnon étranger m'avait suggéré qu'en outre, je pouvais avoir son nom et son adresse sur une carte séparée. Lui ayant précisé que c'était plus que bienvenu, il avait alors extrait d'un bloc-note un lourd feuillet carré de papier étranger et écrit quelques mots que je supposais être son adresse.
D'un geste automatique, j'avais rangé le feuillet dans mon portefeuille et non pas avec mes papiers divers. Je n'ai jamais cherché à étudier le sens ou la signification de ce comportement. Lorsqu'il parlait ou donnait des instructions, on ne pouvait faire que peu de chose, sinon de penser automatiquement, comme dans une rêve...
(à suivre)
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Version américaine:
I recall coming from the saloon deck one day to an upper deck and discovering him standing in the sunlight gazing far out to sea. His figure was straight, his form drawn up to its full majestic height and his bearing one of dominant power. I stood and studied him. His attitude was one of intense interest - in what? The rising sun? And as I watched him, unsuspectingly, fixed like a bronze statue, a sense of awe, of respect, came over me and I could not help feeling that I was looking at a mystic of the Orient.
But his jovial pleasentries and positive avoidance of any subject pertaining to the occult, gave me no reason to believe otherwise than that he was an East Indian. But my attempts to draw him out along occult, and especially East Indian philosophical lines, gave him a very intimate acquaintance with my own philosophical ideals and beliefs. Naturally they reflected, when they did not actually express, my personal moral and religious tenets and practices.
We arrived at Cherbourg on the coast of France on Sunday morning August 1st and found the bay in gala dress because of the presence of the Czar's personal yacht escorted by a number of Russian warships. The Czar was paying an official visit to the President of France.
A six hour trip brought my companion and myself into Paris and at the entrance of my hotel we parted, fully believing that we would not meet again.
Before we reached Paris, however, I had requested a number of deck acquaintances to subscribe their names to a picture of the steamer. My foreign companion suggested that, in addition to this I might desire his name and address on a separate card. Agreeing that it would be more than welcome, he tore a square sheet of heavy, foreign paper from a note book and wrote what seemed to be his address and a few other words under his name. This I automatically placed in my wallet and not among my miscellaneous papers. I never thought to study its intent or meaning. One could do little but think automatically - dreamily - when he spoke or directed.
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Commentaires:
Est-il possible de commenter cette narration pleine de finesse et d'humour de Spencer Lewis qui, respectueusement, ne critique jamais qui que ce soit et laisse toujours le lecteur ressentir les éventuelles subtilités du récit?
Voir aussi: l'Atlantique est il le miroir de Lewis?