Le propriétaire de la maison qui avait abrité notre premier foyer décéda peu après que l’immeuble eut été divisé en appartements.
L’agent immobilier qui en avait la charge en augmenta les loyers alors, nous déménageâmes à l’Hôtel Westminster, dans Copley Square, qui, en 1898, venait d’être construit.
Nous y vécûmes vingt et un ans.
Je conserve de nombreux souvenirs agréables de cette période, ainsi que de nombreuses amitiés solides qui ont été nouées pour toujours.
J’utilisais la salle de banquet et la grande salle à manger pour certains grands rassemblements à diverses fins.
En 1906, je donnai un grand thé pour cinq cents des nombreux amis que j’avais rencontrés et envers qui j’avais une dette de gratitude. Je donnai ce thé davantage dans le but de faire connaître au public mon amie, originaire de St. Albans, qui avait une voix magnifique.
Ruskin disait qu’il avait passé dix des meilleures années de sa vie à faire connaître les tableaux de Turner, et moi, j’ai passé dix ans à essayer de faire connaître la voix merveilleuse de cette amie.
C’était une fille unique – son père l’emmena à Boston quand elle avait seize ans, toute parée d’un manteau de phoque et portant des diamants. Il l’installa dans ce qui était alors l’Hôtel Brunswick, et trouva un bon professeur en la personne d’une dame qui devint une amie pour elle.
Ce professeur avait un frère célibataire qui tomba amoureux d’elle et voulut l’épouser. Mais le père vint et la ramena à la maison. Elle lui promit que s’il la laissait repartir, elle renoncerait à cet amour. Le père, alors, la ramena.
Quelques mois plus tard, elle rompit sa promesse et épousa l’homme, qui avait vingt ans de plus qu’elle. Son père ne lui pardonna pas, ne la revit jamais, et mourut le cœur brisé.
Elle poursuivit sa musique et fut appelée à New York pour chanter pour Grau, qui engageait alors des artistes au Metropolitan. Il déclara que sa voix était la plus douce qu’il ait jamais entendue et lui donna deux opéras à étudier pendant l’été — Faust et Aida.
Elle partit pour New York à l’automne répéter ses rôles. Elle s’appétait à jouer Aida quand son mari lui demanda de rentrer à la maison et d’abandonner l’opéra. Elle avait alors une petite fille de trois ans. Ce fut la fin de sa carrière lyrique.
Son professeur était furieux contre son frère, considérant qu’il avait ruiné la carrière de mon amie.
Le mari mourut alors que la fillette avait dix ans — les laissant toutes deux sans ressources, mais la grand-mère de l’enfant disposant de moyens considérables, prit soin d’elles, et la mère commença à chanter dans des chœurs d’église.
J’entrai à cette période un plus intimement dans la vie de mon amie, m’étant impliquée au sein d’un groupe de musiciens qui s’intéressaient à elle. Je l’aimais beaucoup et voulais qu’elle puisse être connue.
Elle vivait alors avec sa fille, Frances, et le neveu de son mari, de quinze ans son cadet.
Il était violoncelliste.
Il était éperdument amoureux de la veuve de son oncle, mais Frances, le détestait. La jeune-fille était une musicienne accomplie qui adorait sa mère, mais elle était possessive et jalouse de l’intimité qui semblait exister entre la mère et le neveu.
Je n’étais pas au courant de cette situation. Un jour, la maman vint me voir et me dit - Tu peux faire ce que tu veux de Frances — je ne peux plus vivre avec elle.
J’ai donc écris à sa grand-mère pour qu’elle rejoigne sa fille et sa petite fille à Boston. Je suggérai que l’enfant soit placée dans une école privée. L’on me demanda de trouver un établissement convenable. Le choix se porta sur une école à Thompsonville, dans le Connecticut.
Frances était au bord de l’effondrement nerveux, nous consultâmes un spécialiste. Grâce à lui nous découvrîmes la véritable situation familiale. Le spécialiste interrogea la jeune fille, qui lui confia tout sur les conditions réelles du foyer et des problèmes qu’elle y rencontrait. Le médecin recommanda, lui aussi, l’école privée. Je me chargeai d’emmener l’enfant dans le Connecticut.
- début des Confidences de Marie-Louise
(à suivre..)
Anglais : A family drama
Allemand : Ein Familiendrama
Espagnol : Un drama familiar
Italien : Un dramma familiare
Portugais : Um drama familiar
Grec : Οικογενειακό δράμα