Peu de temps après, la mère revint à Boston et reprit sa relation avec le neveu de son défunt mari. Comme elle me demandait mon avis, j’essayai de lui faire voir où était son devoir, lui disant qu’elle paierait peut-être cher d’épouser un homme bien plus jeune qu’elle.
Elle me répondit que c’était ce qu’elle désirait et qu’elle était prête à en payer le prix. Elle répéta mes propos au jeune homme, et ceci eut pour résultat qu’il lui fit promettre de ne jamais me revoir.
Après un an à l’école, Frances regagna sa maison mais refusa de vivre avec sa mère et le neveu.
Elle vagabonda parmi la famille de son père.
Par la suite, le neveu perdit la raison et fut interné.
Frances se maria et déménagea à Providence près de la famille de son mari.
Trois ans plus tard, elle m’appela depuis le Parker House à Boston. Après s’être identifiée, elle dit: Tu es la seule amie vers qui je puisse me tourner.
Elle avait un bébé d’un mois. Je séjournais à l’Hôtel Westminster et ne pouvais l’accueillir.
Son mari l’avait abandonnée, et ses beaux-parents l’avaient chassée. Je l’emmenai au Little Wanderers’ Home, où l'on accepta de s’occuper du bébé jusqu’à ce qu’elle trouve un lieu où s’installer.
Cependant, elle devint si mentalement abattue qu’elle fut admise à l’Hôpital des Insanes à Mattapan. Je lui rendis visite pendant quelques temps, mais elle était devenue très instable et ne me reconnaissait plus, j’ai alors cessé d’aller la voir.
Sa mère tomba malade et mourut, sa gorge était si paralysée qu’elle avait perdu la capacité de parler.
Je l’avais revue seulement une fois après qu’elle ait promis à Paul, le neveu, de ne plus me voir. C’était dans une épicerie sur l’avenue Massachusetts.
Je lui avais demandé de venir me voir, et elle m’avait répondu : Je ne peux pas, Queenie, mais nous nous reverrons au Ciel.
Il y a un an, j’ai rencontré Frances sur l’autre plan, elle avait toujours le même visage, beau et majestueux.
Elle s’est exclamée : Oh, Queenie, si seulement je pouvais aimer. J’ai demandé : Frances, ne peux-tu pas aimer ? Non, dit-elle, je ne peux pas.
Sa nature obstinée avait causé tant de chagrins qu’elle était incapable d’aimer, ce qui la retenait dans un état terrestre.
Sur le plan supérieur, sans amour, on ne peut progresser davantage.
Son amour égoïste et obstiné avait détruit quatre vies, son père, sa mère, sa fille et son dernier mari.
Seuls les dieux savent le karma qu’elle a créé pour elle-même et qu’elle devra expier dans ses vies futures.
Ne jugez pas, de peur d’être jugé. L’infirmière qui s’est occupée d’elle à la fin a dit que Frances avait essayé désespérément de transmettre un message pour moi, mais sa gorge paralysée rendait cela impossible.
Pendant l’été 1905, je fus opérée pour une hernie à l’aine. J’avais porté un bandage pendant dix ans, mais la douleur était devenue insupportable. Le Dr Cahill, un ami vivant à l’hôtel, m’avait persuadée de subir l’opération et avait promis de veiller sur moi.
Je dis à Stanley : Je vais à la maison aider Mère pour son ménage, je reviendrai ensuite pour l’opération, quelle idée! a-t-il répondu.
La hernie, due au dur labeur accompli avant mon mariage, à force de porter de lourds sceaux de charbon sur huit marches depuis la remise à bois, s'est déclarée peu après.
Mon corps n’était pas fait pour un tel travail, il était trop délicatement constitué.
Je passai un mois entier à l’hôpital, allongée sur le dos. La suite de l’été fut consacrée à la rééducation et à la préparation d’une kermesse pour octobre. L’année suivante, Stanley fut frappé d’un érysipèle facial et était proche de la mort.
Il délira pendant dix jours, nécessitant parfois trois hommes pour le maintenir.
Le médecin me faisait sortir pendant les pires de ses crises, mais par la suite, je finis par refuser de sortir. Lorsque j’étais avertie d’une nouvelle crise, je tenais sa main, priant et affirmant qu’il n’en aurait pas d’autre. Rapidement, il n’y eut plus de crises et il commença à se rétablir.
Quand il avait semblé ne pas pouvoir survivre, j’avais fait appel à un spécialiste.
Le président de l’entreprise de Stanley avait insisté pour que j’obtienne les meilleurs soins médicaux, disant que Stanley valait cinq mille dollars.
Stanley nous avait entendus parler et m’appela: Shorty, a-t-il dit (le surnom qu’il me donnait), assieds-toi ici, et je serai bien. Il avait une foi absolue en moi.
Son rétablissement fut lent, mais nous surmontâmes cette épreuve.
Ma plus proche amie d’enfance, qui vivait à New York, me pressa de venir me reposer chez elle.
Là-bas, je souffris d’une grave crise de calculs biliaires et restai alitée deux semaines durant. Le médecin ne put en identifier la cause, mais je me rétablis.
Cependant, les crises continuaient, et je pouvais à peine manger.
Notre vieux médecin me traitait aux opiacés, mais mon état empirait.
Il considéra finalement qu’une opération était nécessaire.
Il appela un chirurgien, et je fus admise à l’Hôpital Charlesgate, dans une chambre offrant une vue sur le pont de Harvard, également appelé pont de la Technologie.
Je dis au chirurgien : Docteur, lorsque je suis malade, je le suis vraiment, mais je me battrai à vos côtés.
Il affirma plus tard que c’était mon courage, et non son habileté, qui m’avait sauvée.
Ils ont découvert que ma vésicule biliaire était complètement calcifiée, inopérante depuis des années, et contenait huit grosses pierres.
Après l’opération, le médecin suggéra d’éviter les opiacés pour accélérer le rétablissement car ceux-ci ralentissaient les fonctions corporelles.
J’ai accepté d’endurer la douleur, et ce souvenir reste vif.
Nous vivions toujours à l’hôtel. Après deux semaines à l’hôpital, des amis propriétaires d’une belle maison à Brookline insistèrent pour que j’aille passer ma convalescence chez eux.
Le mari promit de me porter dans les escaliers, mais le lendemain de mon arrivée, il tomba malade, victime d’une péritonite, fut emmené à l’Hôpital Corey Hill et y est décédé.
Je passai ma convalescence à aider la famille à traverser son chagrin. Je restai trois semaines puis, je rentrai à l’hôtel.
Quand je rendis visite à mes amis, dont la porte était proche de celle de ma chambre, comme je portais un négligé léger, ils crurent voir un fantôme.
Mon teint était jaunâtre lorsque j’étais à l’hôpital, mais il avait retrouvé son naturel. Ils dirent alors que j’avais tout à fait l’air d’une jeune fille de seize ans.
Je me suis rendue dans le Vermont pour quelques semaines, sans parler de ma maladie à Mère.
Pendant mon opération, elle avait eu une vision de moi étendue sur un lit et avait dit à ma sœur, Louise est, soit morte, soit va mourir.
J’avais envoyé de petits messages quotidiens depuis l’hôpital, tout en m’excusant de leur brièveté.
Ma sœur et son mari avaient quitté leur ferme pour vivre avec notre mère, mais elle trouvait cela inconfortable. S’étant habituée à la solitude après mon départ, elle n’appréciait pas leur présence.
L’air du Vermont me rendit la santé en quelques semaines, et je fus prête à reprendre mes occupations d’automne, soient organiser la kermesse de la garderie, ainsi que des concerts et des pièces de théâtre.
Ce fut la dernière fois que je vis mon amie d’enfance.
Nous nous nous trouvions dans notre ville natale. Elle était très déprimée. Son mari était malade depuis un certain temps, et le médecin l’avait envoyé à l’étranger avec un accompagnateur, estimant que sa femme, un peu surprotectrice dans sa bienveillance, risquait de freiner sa guérison.
Mais au bout de deux semaines, l’accompagnateur lui écrivit qu’il pensait qu’elle devait être près de lui, car il ne parlait plus que de sa femme.
Elle me dit, c’est la première décision de ma vie que je ne parviens pas à prendre.
Elle écrivit au Président de Ginn and Company pour un conseil, jurant de suivre son avis. Il répondit qu’ils étaient destinés à être ensemble et l’a pressée de partir immédiatement.
Elle ne se sentait pas bien, car elle traversait la ménopause et prenait de l’aspirine pour soulager ses maux de tête. Elle partit rejoindre son mari mais celui-ci décéda dans son sommeil deux semaines plus tard. Elle rentra chez elle, laissant le corps de son mari sur place ainsi que l’accompagnateur.
À Cherbourg, le transbordeur était si bondé que tout le monde se tenait debout. Elle demanda à une jeune femme, près d’elle, de prendre un flacon de médicament dans son sac, mais avant que la jeune femme n’y parvienne, mon amie s’effondra et mourut.
Le décès de son mari avait attiré son esprit vers lui. Ils étaient des âmes sœurs. Tous deux furent ramenés sur le même bateau-vapeur et mis en terre dans notre ville natale.
Ils laissèrent un fils de douze ans qui fut recueilli par une amie, une pianiste de Washington, D.C., qui tenait leur maison cet été là.
Mon amie s’inquiétait pour cette musicienne, pensant qu’elle n’était pas assez talentueuse pour gagner sa vie correctement.
J’avais rencontré le président de la maison d’édition où travaillait le mari de mon amie lors d’une visite à New York.
Il était préoccupé par l’avenir de l’enfant et me demanda de l’aider à prendre une juste décision. Je me rendis donc à New York et suggérai que la pianiste vive dans sa maison, avec son soutien, pour élever le jeune garçon comme mon amie et son mari l’auraient souhaité.
Ce plan fut adopté. La pianiste reçut un salaire jusqu'à ce que le garçon ait grandi, obtenu son diplôme universitaire et se soit marié.
Lors d’un voyage à New York, je dînai avec lui et sa jeune épouse, dans leur suite sur Riverside Drive, c’était un couple charmant.
Je compris au travers de notre conversation que le fils avait offert une somme substantielle à la pianiste. La dernière fois que j’eu de ses nouvelles, elle vivait à Paris avec un chanteur dont elle était profondément éprise.
En 1921, pendant que nous prenions des dictées des Maîtres, je demandai s’il me serait possible d’avoir un message de mes amis. Tout ce qu'ils furent autorisés à dire est qu'ils étaient ensemble et me remerciaient pour ce que j'avais fait pour eux.
Le mari était devenu le Principal d’une grande école de notre ville. Leur amour était né à cette époque, mais il ne voulut pas lui demander de l’épouser avant d’avoir amassé cinq cent mille dollars.
Il ambitionnait d’acquérir une grande maison avec des domestiques dans les plus beaux quartiers de New York.
Une fois le projet réalisé, ils se marièrent.
Elle me confia qu’elle aurait préféré l’épouser lorsqu’il luttait pour bâtir leur vie, plutôt que d’attendre que les années passent.
Elle me confia également que j’étais la seule amie qu’il aimait recevoir.
Ils me firent découvrir Emerson et d’autres grands écrivains, et ils me manquèrent beaucoup après leur départ.
Bien souvent, dans cette vie, il semble que mon rôle ait été de régler les affaires de nombreux amis après leur départ de ce plan terrestre.
De mon côté, je ne connais personne à proximité qui puisse régler les miennes lorsque je serai partie.
- début des Confidences de Marie-Louise
(à suivre..)
Anglais :
to settle the affairs of many friends after their departure from this earthly plane
Allemand :
die Angelegenheiten vieler Freunde nach ihrem Weggang von dieser irdischen Ebene regeln
Espagnol :
resolver los asuntos de muchos amigos tras su partida de este plano terrenal
Italien :
sistemare le questioni di molti amici dopo la loro partenza da questo piano terreno
Portugais :
resolver os assuntos de muitos amigos após a sua partida deste plano terrestre
Grec :
να τακτοποιήσω τις υποθέσεις πολλών φίλων μετά την αναχώρησή τους από αυτό το γήινο επίπεδο