J’ai eu de nombreuses expériences de ce genre, mais je n’ai jamais été tentée d’en parler à qui que ce soit, de peur que l’on ne dise que j’étais étrange ou démente.
A l’adolescence, je me souviens avoir beaucoup pleuré. Je me disais : Pourquoi, oh, pourquoi devrais-je avoir ce grand sentiment sans la capacité de l’exprimer ?
Mon ambition était de parcourir le monde et de faire le bien, car je voyais tellement de souffrances dans ces moments-là qu’il me semblait entendre une voix qui disait : Pas encore, mon enfant, pas encore, ton heure viendra.
Mme Smith, la femme du vieux gouverneur Smith, me consolait souvent. Elle était théosophe et évoquait ouvertement la réincarnation. Elle me faisait remarquer que j’étais la seule personne avec qui elle pouvait parler et se sentir comprise.
Quand je me rendais aux bals et aux divertissements de la ville, le cœur n’y était jamais. Les conversations frivoles des jeunes hommes ne m’intéressaient pas. J’avais autour de moi plus que ma part de jeunes hommes amoureux, mais le mariage était loin d’occuper mon esprit.
Les églises ne m’attiraient pas. En aucune je ne pouvais retrouver ma conception de Dieu. Mon plus grand plaisir et ma plus grande satisfaction consistaient à aider les malades et ceux qui avaient besoin de tout ce que je pouvais faire en cas de deuil, par exemple.
Les gens âgés comme les jeunes venaient à moi et me confiaient leurs problèmes et leurs secrets. Un jour, je demandai à une amie : Comment se fait-il que tant de gens se confient ainsi à moi ? Elle me répondit : Parce que tu ne parles jamais de tes problèmes.
Parfois mon cœur était au bord de la rupture et c’était le moment où je pouvais faire le plus de bien, et il en a toujours été ainsi.
J'étais la dernière de neuf enfants et mes frères et sœurs aînés s’étaient mariés bien avant le décès de mon père de sorte que ma mère et moi vivions seules.
Comme je l'ai dit, ma mère ne savait ni lire ni écrire, et ne pouvait donc pas m'aider dans mes ambitions de connaissance.
Pour elle, lire des livres était une perte de temps, la lutte quotidienne pour l'existence terrestre était sa seule ambition.
Je gardais un livre à portée de main et, bien souvent, je m'asseyais dessus lorsque je l'entendais approcher.
J'avais la chance d'avoir comme voisin un avocat très cultivé qui avait reconnu mon désir de connaissance et m'avait offert de nombreux ouvrages. Le Moulin sur la Floss de George Eliot fut le premier qu’il me remit. Je le relus de nombreuses fois. J'y reconnus de nombreuses affirmations philosophiques me paraissant familières et en accord avec mes pensées, ce qui m'encouragea.
Je trouvai un jour, par hasard, un livre sur la formation du caractère de Samuel Smiles, ainsi qu’un ouvrage de Schopenhauer, dont les pensées à propos de la vie ressemblaient beaucoup à celles qui emplissaient mon imaginaire quotidien.
Ma mère se plaignait souvent de mon manque de communication à propos de mes lectures, mais elle ne pouvait comprendre le contenu des livres, alors je vivais beaucoup, pour ainsi dire, en moi-même.
Je ne me livrais jamais à des commérages ni même à des bavardages. Je ne me souciais pas non plus des conventions. J'étais libre et indépendante. Pas davantage, je ne pouvais entrer dans les mouvements religieux.
Ma mère me disait souvent : Tu ne vas jamais à l’église ? Que va-t-on penser ? Je répondais : Je me moque, ma mère, de ce que l’on pense, c’est ce que je ressens qui compte pour moi. Je ne reconnaissais pas ma conception de Dieu dans les religions de l’époque et refusais d’être hypocrite.
Je ne pouvais répéter les prières mais je demandais constamment la lumière intérieure.
J’étais religieuse, mais détestais la piété feinte. Je vivais avec l’idée que mon devoir quotidien était strictement de vivre une vie propre et pure, au maximum de ce que mon moi intérieur pouvait concevoir, et qu’un jour je saurais tout.
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Anglais : One day I will know everything.
Allemand : Eines Tages werde ich alles wissen.
Espagnol : Un día lo sabré todo.
Italien : Un giorno saprò tutto.
Portugais : Um dia saberei tudo.
Grec : Κάποια μέρα θα τα ξέρω όλα.