De nombreux messages du "Bistrot" furent déjà consacrés aux personnages incontournables du mysticisme du 18e siècle: "le Philosophe Inconnu" (Louis-Claude de Saint Martin), Jean Baptiste Willermoz et "l'Agent Inconnu" (Églé de Vallières).
Une question particulièrement intéressante et fondamentale reste posée:
- L'enseignement commun découlant en grande partie de Martinez de Pascualy, mais pas seulement, et qui était détenu par Willermoz et Saint-Martin était-il destiné à des ouvrages de vulgarisation que Saint Martin pouvait signer ou devaient-ils être exclusivement réservés à certaines loges maçonniques comme l'estimait Willermoz?
En préliminaire, certains ne manqueraient pas d'objecter que Louis-Claude de Saint-Martin n'affectionnait pas spécialement la Franc-Maçonnerie et entretenait, lui aussi, ci et là, des petits cercles d'intimes.
Historiquement nous pouvons distinguer
- une première période durant laquelle Saint-Martin est logé chez Willermoz,
- une deuxième durant laquelle les deux hommes sont en froid et Saint-Martin quitte Lyon,
- puis une 3e marquée par l'influence de l'Agent Inconnu durant laquelle Saint-Martin revient à Lyon mais sans être logé chez Willermoz,
- et enfin une quatrième durant laquelle Saint-Martin reprend à nouveau ses distances.
Les deux images ci-dessus sont extraites de l'armorial du fond Willermoz de la Bibliothèque de Lyon consultable au fond ancien (référence 5526 document 29) et dont une photo complète est téléchargeable en bas.
Nous sommes dans la 3e période...
Il y a beaucoup de petits détails instructifs dans ces blasons.
Dans celui de Saint-Martin, le lion rampe tellement qu'il donne l'impression d'être croisé avec un teckel... La formulation "eques a leone sidero" dans un latin cuisiné à la lyonnaise, véhicule plusieurs idées comme "chevalier au lion sidéral" référence à l'étoile au dessus de lui mais aussi "chevalier frappé de sidération à Lyon..." Nous reconnaissons le Saint-Martin penaud revenant frappé par les inspirations de l'Agent Inconnu qui l'incitait plus ou moins indirectement à signer ses œuvres non plus de son nom mais "un Phil. Inc."
La formule "Terrena reliquit" (terrena = qui appartient à la terre et reliquit (idée de ruines qui a donné "relique", celles que l'on abandonne pour monter au ciel) fait naturellement référence à l'idée sous-jacente de la fameuse "réintégration" pascualienne.
Le blason de Willermoz fait sentir à quel point le mystique, pourtant tellement entouré, se sent seul... "Eques Baptista ab Eremo" (chevalier Baptiste du désert) indique ce sentiment de solitude avec naturellement une référence à Jean Baptiste prêchant dans le désert de Judée.
La maxime "Vox in deserto" signifie bien sûr "voix dans le désert", mais "verba licant" est plus ambigü. Son "verbe" est "licant"... Est-ce lisse (en latin "licium" avec une subtile référence au tissage de la soie que vend Willermoz) ou est-ce ("licet" qui donne licite c'est à dire permis, autorisé) avec un petit clin d'œil pour les initiés expliquant que dans le désert, si personne n'écoute, au moins on ne risque pas d'en dire trop... Et si ces finesses ne suffisent pas on peut apprécier que "alicant" fait référence à la nourriture d'un plat de semoule, comme si dans le désert on peut se nourrir du Verbe...
Tableau des dignitaires 15 janvier 1786