Si l'enseignement scolaire a besoin de structurer la raison, il peut aussi s'ouvrir à la subjectivité du ressenti intérieur. Mais comment pourrait-il être question de partager cette ouverture à l'ésotérisme, que Balzac propose dans son "Louis Lambert", par exemple, à propos de "Caius Gracchus, vir nobilis" (littéralement "homme noble", traduit comme "noble cœur")...?
Voici d'abord un commentaire intéressant issu de l'actualité:
« L’éducation en France a toujours insisté sur le développement de la raison –donc la mise sous le boisseau de la subjectivité- en visant une sorte d’idéal unique de culture. Nous en gardons les traces. L’école continue d’imposer sa norme. Nos manières de contrôler et d’évaluer découragent la créativité, l’engagement personnel de l’élève. D’où cette relative passivité que déplore Peter Gumbel. Si les élèves ne posent guère de questions en cours, c’est qu’ils ne se sentent pas vraiment concernés par ce qu’on leur dit. Ou bien ils craignent d’être stigmatisés par leurs camarades, peur qu’on se moque d’eux s’ils tâtonnent ou, simplement, s’ils sortent du rang. Le professeur a du mal à faire de sa classe un espace hors-menaces où l’on peut se tromper sans risque. » ( Philippe Meirieu,)
Et un extrait de "Louis Lambert" de Balzac:
"Je me souviens qu'un soir, en terminant la classe qui avait lieu de deux à quatre heures, le maître s'empara d'une version de Lambert. Le texte commençait par Caïus Gracchus, vir nobilis.
Louis avait traduit ces mots par : Caïus Gracchus était un noble coeur.
— Où voyez-vous du coeur dans nobilis ? dit brusquement le professeur.
Et tout le monde de rire pendant que Lambert regardait le professeur d'un air hébété.
— Que dirait madame la baronne de Staël en apprenant que vous traduisez par un contre-sens le mot qui signifie de race noble, d'origine patricienne ?
— Elle dirait que vous êtes une bête ! m'écriai-je à voix basse.
— Monsieur le poète, vous allez vous rendre en prison pour huit jours, répliqua le professeur qui malheureusement m'entendit.
Lambert reprit doucement en me jetant un regard d'une inexprimable tendresse: Vir nobilis !"