Situons le contexte: nous sommes en 1735 sur un bateau qui traverse l'Atlantique pour emmener des émigrants vers le Nouveau Monde et il y a parmi les passagers une communauté de Frères Moraves et les 2 frères Wesley.
Les frères Wesley, John et George sont anglicans et issus d'une fratrie de 19 enfants.
Comme leur père, ils sont pasteurs et leur mère les a élevés avec la grande rigueur qui permet de tenir les familles nombreuses.
John est héritier, tant de la foi familiale que de la "méthode" rigoureuse de sa mère...
Leur paroisse apprécie leurs talents de prédicateurs, en particulier celui de John, au point de financer leur voyage pour aller évangéliser la Georgie américaine...
Sur le bateau John est toujours le premier levé et commence sa journée par des heures de prières, c'est un fanatique...
Lorsqu'il avait 6 ans, un incendie ravagea la maison et l'enfant fut sauvé, in extremis, par un voisin...
Après son sauvetage, son père avait déclaré: "tous mes enfants ayant été sauvés, vous pouvez laisser brûler la maison à présent: je suis bien assez riche" et sa mère avait désormais distingué John de ses autres enfants en l'appelant (avec une allusion biblique: Zacharie 3,2), son "plucked firebrand", son morceau de braise...
Il portait donc en lui le désir irrésistible d'enflammer les autres et de les convertir à sa foi...
Sur le bateau, les Frères Moraves ne cherchaient à convertir personne et on les entendait peu, en dehors des hymnes qu'ils ne manquaient jamais d'entonner en chœur à chaque veillée et lorsque l'occasion se présentait...
Pour George, ces hymnes constituaient une découverte et il voyait dans la ferveur des Frères Moraves la preuve que les hymnes permettaient d'atteindre directement le cœur des hommes.
Le prédicateur en lui découvrait un nouvel outil de prosélytisme offert à son talent musical...
C'est alors que l'océan fut le théâtre d'une violente tempête...
Durant des heures, des vagues gigantesques menaçaient à chaque instant de faire chavirer le bateau.
John Wesley, crut que les eaux allaient éteindre le brandon de feu auquel il s'identifiait...
La peur s'était emparée de lui, comme de tous les passagers qui voyaient leur dernière heure arriver.
Mais les Frères Moraves chantaient dans la tempête avec ferveur...
Mieux: leur hymne s'harmonisait avec la tempête et révèlait sa raison d'être...
(revoir évidemment le message précédent...)
Ce face à face avec la mort fut pour John Wesley une initiation...
Il comprit alors à quel point sa foi était superficielle comparée au vécu des Frères Moraves...
Lorsque la tempête cessa, John Wesley n'était plus le même...
Il avait découvert la vraie Sincérité...
Et cette Sincérité lui permettait de jeter un autre regard sur le monde.
Il avait également compris que certains Frères Moraves étaient des initiés et désormais la Fraternité Invisible comportait un nouveau membre...
Mais la vie continuait et la Georgie l'attendait...
Ses sermons seraient désormais orientés vers l'éveil de cette Sincérité...
Pour son frère George, l'impact de la tempête était différent: il restait anglican, mais une nouvelle vocation s'était déclanchée, il voulait désormais composer des hymnes et retourner au pays...
Quatre mois plus tard, malade, il reprenait le bateau dans le sens du retour pour se consacrer à une nouvelle vie de compositeur et ce n'est pas 10 ou 100 hymnes qu'il allait laisser à la postérité mais 6000...
John, lui, était désormais en rupture avec la mission que son église anglicane lui avait confiée en Georgie et cela se manifestait dans ses sermons...
Il avait pourtant un succés fou, mais deux ans plus tard, il se rendit à l'évidence: il fallait rapidement échapper au procés que certains anglicans fanatiques étaient en train de lui réserver et retourner en Angleterre...
Mais son ressenti intérieur le condamnait à l'indépendance et il ne se considérait plus comme anglican, il devint ce qu'on nomme désormais un "méthodiste": une nouvelle mouvance protestante était née.
Bien qu'il continuât à fréquenter les Frères Moraves, il ne parlait pas de leur influence, il préférait mettre l'accent sur la sincérité de l'éveil du cœur et déclarer: "J'étais parti essayer de convertir les indiens, mais qu'est-ce qui peut me convertir, moi?"
Mais de même que la Sincérité ne peut pas être exportée, la Sincérité des êtres inspirés se heurte fatalement au dogmatisme et à l'incompréhension...
Il est instructif de lire au dela des lignes cet extrait de John Wesley qui préface négligemment un recueil d'hymnes de son frère George, préface qu'il serait peut être utile de retraduire intégralement avec discernement (http://www.isle-of-man.com/manxnotebook/fulltext/lh1844/wesleyp.htm):
(Extrait du paragraphe 7 de l'édition de 1780 de l'Hymn Book de George Wesley, qui disparut dans l'édition de 1904, tandis qu'entre temps l'édition de 1830 avait ajouté des hymnes et vraisemblablement modifié certains)
"7. And here I beg leave to mention a thought which has long been upon my mind, and which I should long ago have inserted in the public papers, had I not been unwilling to stir up a nest of hornets. Many gentlemen have done my brother and me (though without naming us) the honour to reprint many of our hymns. Now they are perfectly welcome so to do, provided they print them just as they are. But I desire they would not attempt to mend them ; for they really are not able. None of them is able to mend either the sense or the verse. Therefore, I must beg of them one of these two favours : either to let them stand just as they are, to take them for better for worse ; or to add the true reading in the margin, or at the bottom of the page ; that we may no longer be accountable either for the nonsense or for the doggerel of other men."
"Et je demande ici la permission d'exprimer une pensée présente dans mon esprit depuis longtemps, et que j'aurais certainement déjà insérée dans des documents publics, si je n'avais pas redouté de remuer un nid de frelons...
Beaucoup de personnes ont fait à mon frère et moi (sans nous nommer) l'honneur de reproduire bon nombre de nos hymnes, bien sûr, il est parfaitement bienvenu qu'ils le fassent, mais à condition qu'ils les imprimer tels qu'ils sont!
Je désire qu'ils ne soient pas tentés de les amender car aucun d'eux n'a vraiment la capacité de le faire. (...)
Je dois donc leur mendier une de ces deux faveurs: soit de les laisser tels qu'ils sont, de les prendre pour le meilleur et pour le pire; ou alors d'ajouter en marge ou en bas de page la vraie lecture, afin que nous ne soyons plus responsables, de leur non sens, ou des vers d'autres hommes."
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