Jacques de Voragine (1228-1298), l'auteur de la Légende Dorée constitue la référence pour les artistes religieux. Au sujet des clefs de Saint Pierre (voir un curieux trousseau de clefs et la bassine du Perugino), il laisserait entendre que si la clef dorée ouvre la porte du paradis pour les justes, il peut y avoir des erreurs et que la clef noire permettrait par exemple de redescendre sur terre ou de communiquer avec la terre par une autre porte... celle de la religion. C'est une interprétation assez libre, mais c'est intéressant. Voici le texte de la Légende Dorée:
(...) Il (Saint Pierre) reçut du Seigneur les clefs du royaume des cieux. (...) Par ce pouvoir des clefs qu'il reçut, on voit qu'il délivre quelquefois ceux qui mériteraient d'être damnés, (...).
« Dans la ville de Cologne, il y avait, au monastère de saint Pierre, un moine léger, débauché et lascif. Une mort subite le surprit, et les démons l’accusaient en faisant connaître ouvertement toutes les espèces de péchés qu'il avait commis. Voici ce que l’un d'eux disait: « Je suis la cupidité, par laquelle tu as souvent convoité contre les commandements de Dieu. » Un autre criait : « Je suis la vaine gloire par laquelle tu t'es élevé avec jactance parmi les hommes. » Un autre : «Je suis le mensonge et tu as commis le péché de mentir. » Et ainsi des autres. D'un autre côté, quelques bonnes oeuvres qu'il avait faites l’excusaient en disant : « Je suis l’obéissance que tu as témoignée à tes supérieurs spirituels; je suis le chant des psaumes que tu as souvent chantés pour Dieu. »
Alors saint Pierre, dont il était le moine, vint trouver Dieu et intercéder pour lui Le Seigneur lui répondit : « Est-ce que ce n'est pas moi qui ai inspiré le prophète lorsqu'il a dit: « Seigneur, qui est-ce qui habitera dans votre tabernacle ? C'est « celui qui entre sans avoir de taches, etc. » Comment celui-ci peut-il être sauvé, puisqu'il n'est pas entré ici sans tache, puisqu'il n'a pas pratiqué la justice ? »
Alors saint Pierre se mit à prier pour lui avec la vierge Mère, et le Seigneur porta cette sentence qu'il retournerait dans son corps et qu'il y ferait pénitence. Aussitôt donc, saint Pierre avec la clef qu'il tenait à la main effraya le diable; et le mit en fuite. Il remit ensuite l’âme de cet homme dans la main de quelqu'un qui avait été moine dans le susdit monastère, avec l’ordre de la reconduire à son corps. Le moine lui demanda comme récompense de ce qu'il ramenait son âme; de réciter chaque jour le psaume Miserere mei, Deus; et de nettoyer souvent son tombeau des ordures qui s'y trouvaient. Or, le moine, revenu à la vie, raconta à tout le monde ce qui lui était arrivé.