Encore un sujet plaisant qui naturellement fera dire à certains que les rosicruciens prônent la bigamie...
Nous avons constaté que le net est plutôt muet sur Clément Lebrun aussi le Bistrot propose une approche de cet authentique Grand-Maître méconnu par une série de petites touches originales et variées.
Encore une fois, c'est Spencer Lewis qui nous met sur la piste en affirmant que Clément Lebrun avait des origines familiales "actives dans les rangs de Chevaliers du Temple aux 14e, 15e siècle et plus tard."
Naturellement les Habitués ont remarqué que la période indiquée est postérieure à l'épopée des Chevaliers du Temple que Philippe le Bel avait tenté d'arrêter en 1307...
Lewis attire donc notre attention sur une tradition et une transmission familiale discrète et nous devinons la piste de "Guillion le Bigame, dit Lebrun"...
Le texte enluminé ci-dessus est extrait d'une copie manuscrite du XVe siècle des actes de bravoure de Sire Guillion dans lesquels l'histoire et la légende semblent s'interpénètrer dans une sorte de Légende Dorée, laquelle vise à transmettre aux initiés et aux initiables certains messages subtils.
Pour l'histoire, il s'agit de Gilles de Trazégnies, d'Ittré (blason ci-contre) qui fut un des compagnons de Saint Louis lors de la 7e croisade.
Trazégnies et Ittré sont en Belgique dans la province du Hainaut.
Quelques anecdotes semblent particulièrement marquantes:
La première se situe durant la 7e croisade lorsque les Croisés, qui étaient beaucoup plus forts que leurs adversaires musulmans dans le cas d'un affrontement direct, s'étaient mis en tête de conquérir l'Egypte (on peut se demander pourquoi...).
Version courte: ils se font piéger par une ruse de Baïbars l'Arbalétrier qui, en leur abandonnant Damiette, les laisse croire à une conquête facile, mais l'armée se disperse, l'avant garde conduite par le Comte d'Artois traverse rapidement le Nil à gué mais se fait piéger à Mansourah, (ce qui entrainera la mort du Connétable Humbert de Beaujeu et de Guillaume de Sonnac, le Grand Maître du Temple), tandis que l'arrière garde subit, tout comme les anciens envahisseurs des égyptiens des millénaires passés, des attaques par feu grégeois, après quoi Louis IX sera fait prisonnier et c'est Gilles de Trazégnies qui succèdera à Humbert de Beaujeu comme Connétable de France.
Le Connétable est le plus puissant du royaume après le roi. C'est lui qui dirige l'armée. Le mot connétable (=avec l'étable) montre qu'antérieurement c'était celui qui avait la responsabilité des chevaux.
Mais alors que Louis IX est fait prisonnier, vient se situer la légende de "Gillion le Bigame".
Celui-ci est marié et pense que son épouse restée au pays est décédée. C'est un homme très apprécié du sultan dont-il devient l'ami et il épouse sa fille dont il aura plusieurs enfants.
Quelques années plus tard, ayant appris que sa première épouse est encore vivante il rentre au pays avec sa nouvelle famille: la fille du sultan (elle est désormais convertie) et ses enfants, qui sont certainement un peu plus bruns que la norme de l'époque.
Le surnom de "Lebrun" lui est alors attribué.
La légende précise que ses deux épouses iront finalement vivre au couvent.
Et lorsque Louis IX, qui n'est pas très fier de la manière dont il a conduit la croisade est de retour au pays après la mort de sa mère, il est à la recherche d'un prestige perdu et c'est son Connétable qui lui en fournit l'occasion en lui suggérant de se faire une réputation basée sur une haute moralité en promouvant une justice plus juste pour le peuple qui était encore à la merci de ses seigneurs.
C'est là que se place l'histoire de deux enfants qui poursuivaient un lapin dans le bois d'une abbaye et qui capturèrent l'animal, en dehors de celle-ci, sur les terres du Baron de Coucy lequel les fit mettre à mort.
Et le Connétable Guillion demanda au roi de sanctionner le Baron de Coucy...
C'est l'occasion de citer ce petit extrait plein d'humour d'une pièce de théâtre pour enfant de Michel Fustier, "la justice de Saint Louis":
LE ROI - Baron, je vous condamne pour votre manque de discernement. La justice doit être éclairée et non pas aveugle. Pour ce que vous avez fait, vous serez vous-même pendu. La loi du talion, œil pour œil, dent pour dent, n'a pas été abolie que je sache. Qu'on emmène le prisonnier.
LE CONSEILLER - Sire, vous étiez très en colère…
LE ROI - Oui, je l'étais et je le suis encore. Il sera pendu… Plutôt pendu deux fois!
LE CONSEILLER - Puis-je vous faire remarquer que nous sommes sous la loi de l'Évangile et que Jésus nous a recommandé de pardonner à ceux qui nous ont offensés.
LE ROI - Ce n'est pas moi qu'il a offensé, mais ces deux jeunes gens, qui ne peuvent plus maintenant lui accorder leur pardon. De plus, celui qui doit faire justice ne peut pardonner inconsidérément: il doit précisément… faire justice.
LE CONSEILLER - Mais, sire, la loi du talion, que vous avez invoquée, n'a-t-elle pas été justement abolie par l'Évangile… Celui qui rend la justice ne doit-il pas se préoccuper d'appliquer de bonnes lois?
LE ROI - Jésus lui-même a dit qu'il était venu non pas abolir la loi, mais l'accomplir.
LE CONSEILLER - Oui, mais il a dit aussi: "Bienheureux les miséricordieux".
LE ROI - Cela est vrai, il l'a dit, je le reconnais.
LE CONSEILLER - Et il a dit aussi: "Tu ne te laisseras pas aller à la colère".
LE ROI – Encore! Si vous n'étiez pas mon confesseur, je m'indignerais que vous osiez me faire la morale? (un silence) Mais effectivement, il est très difficile pour un roi de savoir si rendre la justice veut dire: porter un jugement, ou simplement: être juste… Qu'on fasse revenir le prisonnier. (on le ramène)
LE ROI - La crainte d'être injuste nous a finalement amené à revoir notre sentence. Baron de Coucy, vous pourrez racheter votre vie moyennant une amende de dix mille livres, qui seront données aux pauvres.
LE BARON DE COUCY - Sire, cela est cher, mais je l'accepte…
LE ROI - Holà, cela n'est pas tout… Il vous faudra encore faire bâtir deux chapelles où vous ferez dire tous les jours des prières pour l'âme des jeunes gens que vous avez pendus.
LE BARON DE COUCY - Cela est tout à fait bienvenu et je comprends vos raisons… Merci, sire!
LE ROI - Attendez! En bonne justice, je pense que ce n'est pas encore assez: vous ferez aussi don à l'abbaye du bois dans lequel vous avez commis votre forfait.
LE BARON DE COUCY - Les moines vous en seront certainement reconnaissants… mais je trouve que c'est peut-être…
LE ROI - Et encore… j'aurais peur de passer pour trop indulgent! le sieur de Coucy fera en terre sainte un pèlerinage de trois années pleines.
LE BARON DE COUCY - Cela fait beaucoup… vraiment! Trois années…
LE ROI - Si vous trouvez vraiment que c'est trop, baron de Coucy, sachez que nous sommes toujours disposés à confirmer votre pendaison. Répondez!
LE BARON DE COUCY - Non, sire, cela ne fait pas trop. J'irai aussi en pèlerinage…
Mais la piste des ancêtres de Lebrun ne s'arrête pas à l'époque des croisades et si nous observons le socle de l'autel de Sainte Anne construit au 19e siècle dans l'Eglise Saint Martin de Trazégnies, nous avons la surprise de découvrir le vieux symbole rosicrucien du pélican nourissant 3 de ses petits et non pas 7...