- "C'est exactement ce que je m'apprêtais à faire.
Les Rosicruciens préfèrent beaucoup que leur nom et leurs activités soient complètement voilées, et reconnaissables seulement par un expert et dévoilées pour l'efficacité...
Je veux dire par là que ce n'est pas une recherche fantaisiste et injustifée de mystère, auquel s'attachent certains écrivains et leurs lecteurs, mais le secret est plus acceptable que le malentendu qui résulterait de mauvaises informations trouvées dans certaines encyclopédies.
Je ne peux pas vous dire quand les Rosicruciens, en tant qu'un corps constitué d'hommes et de femmes, utilisant le terme de Rosicrucien, se sont organisés pour la première fois.
En tant qu'individus, et en tant que groupes, nous pourrions trouver leurs traces en remontant loin, vers l'aube de la civilisation.
Mais je ne peux commencer mon histoire qu'au moment où l'ensemble de l'Europe a été soudainement consciente du fait que les Rosicruciens étaient bien établis sous la forme d'une fraternité internationale, et en possession de secrets de grande valeur et des principes de la nature."
- "Serais-ce l'histoire de quelque culte secret?", interrogea Miss Fletcher, l'active petite travailleuse missionnaire de l'église Méthodiste.
- "Pas du tout, et c'est l'un des points que je souhaiterait rendre très clair.
Les Rosicruciens et leurs groupes à travers le monde ne constituent ni une secte ni une école religieuse, et je peux même dire qu'ils ne forment pas plus une société secrète que nous qui discutons ici, et je suis autorisé à vous dire tout ce que vous souhaitez à leur sujet car ils sont soucieux de révéler toutes choses, connaissance ou information, en leur possession.
Ce n'est guère l'attitude d'une société secrète..."
- "Vous dites que vous êtes autorisé à nous raconter l'histoire.
Cela veut dire que vous êtes un membre de cette organisation?" demanda Deeming.
-"Je le suis.
Et certaines personnes dans cette ville le sont également.
Beaucoup d'entre vous ont traité avec eux, les ont rencontrés, ont eu des contacts agréables avec eux et si vous ne savez pas qu'ils sont rosicruciens, ce n'est pas parce qu'ils cachent leur identité, mais parce que vous ne les avez jamais interrogés à ce sujet."
- "Je suis sûr que je n'ai jamais rencontré auparavant une de ces personnes si inhabituelles," s'écria Melle Fletcher.
- "Oh si, Melle Fletcher" répondit Roberts.
- "Vous nous avez dit ce soir à quel point vous et bien d'autres dans votre église ont admiré l'excellente virtuosité de l'organiste qui est venu à votre église l'automne dernier, et comme il s'était gentiment porté volontaire pour animer une classe des professeurs d'école du dimanche afin de les préparer à des questions posées par les jeunes gens.
Vous ne saviez pas que ce brillant musicien et pédagogue si compétent était un rosicrucien.
Mais tout cela est à côté de l'histoire que je tiens à raconter avant que l'heure ne passe...
Comme je disais, l'ensemble de l'Europe, qu'elle soit intellectuelle ou étudiante a été soudainement mystifiée durant l'année 1610 par la distribution généralisée de 7 pamphlets en plusieurs langues, émanant de centaines de sources, et annonçant dans un style excellent la prudente déclaration que la Fraternité de la Rose+Croix renaissait à Cassel en Allemagne.
Les pamphlets contenaient une introduction adressée aux penseurs progressistes du pays, mais l'appel était inutile pour les insensés qui souriaient et se moquaient du message des pamphlets.
Jamais dans l'histoire de l'Homme, un seul message n'avait atteint un si grand nombre de personnes et suscité autant de commentaires.
L'art de l'imprimerie était encore jeune, et c'était la première fois que ce nouvel art était utilisé pour prouver la puissance de la presse.
Le moyen par lequel les imprimés furent généralement répartis aux comptoirs des logiques points centraux de dissémination ne put jamais être connu.
Mais en moins de 10 jours le message contenu dans la "Fama", comme il est ainsi brièvement désigné, a été non seulement l'objet de discussions, mais aussi condamné, ridiculisé, loué, admiré et rejeté, mais des dizaines d'autres pamphlets d'attaques ou de soutiens ont occupé quelque temps les quelques presses de l'Allemagne et d'autres pays.
Les clergés de toutes les confessions les ont utilisés comme base de leurs sermons pour exprimer leurs critiques ou leur satisfaction.
Médecins et pharmaciens se sont appelés mutuellement dans les assemblées générales afin de déterminer ceux qui, dans leur propre corps, pouvaient se trouver en accord ou en désaccord avec le message.
Le peuple s'est rappelé et s'est raconté de fantastiques histoires de rosicruciens entendues des grands-parents.
Des milliers ont écrit des lettres ou ont envoyé des messagers à de longues distances demandant davantage d'informations et les agents du gouvernement ont été chargés de résoudre le mystère de toutes les revendications énoncées dans la "Fama"...
On découvrit que le message original était en allemand, et que toutes les autres versions étaient des traductions de celui-ci.
Aucun n'était donné, il n'y avait pas non plus de signataire, mais il fut conclu que c'était un message de "Christian Rosenkreuz".
Pendant un certain temps tous ceux qui ne savaient pas ont cru que c'était le nom d'une certaine personne et l'on rechercha à l'échelle nationale un nommé Christian Rosenkreuz.
Même certains allemands ne semblaient pas se rendre compte que ces deux mots pouvaient être traduits en "chrétien" et Rose-Croix.
Ensuite la lumière se fit dans leur esprit, tout au moins dans celui des ignorants, que le symbole de la Fraternité auquel se référait le pamphlet était une Croix avec une Rose en son centre.
Réalisant alors que le nom n'était qu'un nom de plume pour l'auteur, ils recherchèrent un des plus savants philosophes qui aurait pu avoir une connaissance suffisante pour préparer ce message stupéfiant.
Il en ont finalement retenu un: Valentin Andreae, un pasteur luthérien de premier plan qui travaillait pour le compte de la réforme protestante.
Ils étaient renforcés dans leur choix par le fait que les armoiries de la famille Andreae contenait une croix.
Presque du jour au lendemain, il fut considéré comme le "chrétien de la Rose-Croix", celui qui avait écrit les pamphlets...
- Début d'Une Histoire au Coin du Feu