Si tous les habitués du Bistrot ont certainement entendu déjà parler de la résurgence germanique de la Rose+Croix au 17e siècle, il n'en est pas du tout de même de la résurgence anglaise...
Il n'y a naturellement rien d'officiel, car la résurgence anglaise était discrète, mais déjà quelques messages permettent de mettre en évidence les grandes lignes...
Une recherche avec le mot "Bacon" sur le moteur de recherche en haut à droite pourrait déjà nous permettre de ressentir que tout gravitait autour de Francis Bacon...
La question est donc de savoir quels étaient les objectifs et comment Francis Bacon s'était organisé...
Le monde scientifique connait d'une certaine façon la pensée de Francis Bacon qui se retrouve dans le Novum Organum, lequel avait vocation à vulgariser une méthode scientifique rigoureuse d'étude de la nature: la Méthode Expérimentale.
Mais, dans la Grande Bretagne de la fin du 16e siècle il était fondamental de structurer la langue anglaise naissante et de généraliser son usage en Angleterre et en Ecosse.
Comme cette langue était approximativement parlée, et non écrite, Bacon s'est employé par ses œuvres théâtrales à structurer ce que l'on appellera plus tard la "langue de Shakespeare".
L'action rosicrucienne devait naturellement comporter la mise en place d'enseignements, de travaux, de rituels, et l'organisation d'un cercle extérieur et d'un cercle intérieur.
Parlait-on alors réellement de Rose+Croix?
A l'évidence non, mais il y avait un certain état d'esprit rosicrucien qui était suggéré par exemple dans un ouvrage qui parût en 1612: la Minerva Britanna...
La connection de l'ouvrage avec l'Imperator Francis Bacon est, pour une fois, relativement facile à établir...
En effet page 34 (voir photo ci dessus), une mention latine discrète figure: "extraire le mal moribond de la bonne loi" (Ex malus moribus bone leges) est dédiée au Chevalier Francis Bacon et l'on voit un homme avec son chapeau célèbre du Francis Bacon dominer un serpent avec un ouas primitif...
Souvenons nous: chez les égyptiens de l'ouas, qui représentant la maîtrise du monde terrestre et le son énergie, devint un sceptre.
La "Minerva Britanna" s'inscrit dans la curieuse liste de ces livres d'emblèmes qui servaient aux initiés à retrouver et à laisser circuler la tradition primordiale avec des représentations imagées permettant de transmettre des enseignements à plusieurs niveaux comme le faisaient les hiéroglyphes égyptiens.
Certes, la déesse Minerve est romaine, mais elle s'inscrit dans la lignée de Pallas, ou d'Athèna (voire, en Egypte, de Neith, la "grande tisseuse", et de Nout, la "grande génitrice").
Par exemple, la légende grecque raconte qu'Athena avait "tué" Pallas accidentellement dans un jeu guerrier mais qu'elle s'était rattrapée en faisant de sa peau une protection et en reprenant son nom, devenant ainsi "Pallas-Athena".
Nous comprenons de cette allégorie qu'il s'agit d'une divinité susceptible de prendre une forme locale, populaire et protectrice, garantissant une maîtrise énergétique et dont les attributs comme la lance, le heaume et la quenouille demeurent.
Ainsi, la Minerve de Bacon est "britanna" c'est à dire affectée à la Grande Bretagne...
La gravure centrale de la page de couverture de la "Minerva Britanna" est particulièrement "inspirante"...
Une main invisible sort du rideau de théâtre et écrit "MENTE VIDEBORI", c'est un mélange ni latin, ni anglais dont le sens reste toutefois assez parlant pour les candidats rosicruciens de l'époque.
En effet "mente videbori" signifie que l'auteur peut être reconnu par la pensée... Ce qui offre quelques niveaux de compréhension: d'abord que "c'est seulement par la pensée que l'on peut reconnaître et identifier un auteur qui ne laisse aucune trace", ensuite que "les pensées trahissent l'homme", enfin que "c'est seulement psychiquement que l'on peut deviner l'auteur.
Il y a une autre formule à reconstituer, elle est typiquement rosicrucienne: "Vivitur ingenio cetera mortis erunt" (Vitaliser ce qui est noble et arracher tout ce qui est mortel...).
Derrière cette Minerva Britanna, nous ressentons bien qu'il n'y a pas seulement Bacon, mais toute une dynamique en action.
Le cercle extérieur a connaissance de cette "Minerva" et constitue une société assez secrète: "The Invisibles Knights of the Helmet", les Invisibles Chevaliers du Heaume.
Le heaume d'invisibilité est bien sûr celui de la déesse Minerve, mais c'est aussi le chapeau caractéristique que porte Francis Bacon et tous ceux qui se reconnaissent dans le service de la Minerva Britanna.
Parmi les activités, que nous pouvons encore observer de nos jours, certaines furent au service de la religion profane et nous trouvons une nouvelle traduction de la Bible en langue anglaise, achevée en 1610, et sur laquelle Francis Bacon plancha pour rétablir certains éléments symboliques détournés au cours des âges.
C'est la fameuse Bible du "King James" (Jacques VI d'Ecosse qui deviendra Jacques Ier d'Angleterre à la mort de Elisabeth I, la "reine vierge" et la mère cachée de Francis Bacon...).
Naturellement cette nouvelle version de la Bible connut un grand succès car elle se présentait sous une forme poétique inspirante, mais elle se heurta naturellement à des adversaires qui la rejetèrent ou la conservèrent pour en récupérer la poésie en supprimant ce qu'ils considéraient comme des ajouts parasites...
Ainsi, il existe donc de nos jours 5 ou 6 formes de cette Bible et il n'est pas si facile que ça d'accéder à la source originale de 1611.
Cette Bible laissait apparaître certains éléments qui devinrent rapidement des signes de reconnaissance objectivement plus faciles à apprécier par les groupes constituant le cercle extérieur que les "mente videbori", vus ci-dessus, qui s'adressaient naturellement aux membres du cercle intérieur, seuls capables de faire confiance à leur intuition et qui cherchaient l'union intérieure avec la Rose+Croix...