Le récent message sur l'étonnante réalisation de Cornelius Agrippa nous laissait entrevoir une personnalité offrant les signes typiques du rosicrucianisme mais difficile à discerner au travers de la sombre réputation que le monde profane attribue très vite aux personnalités atypiques.
Il est d'ailleurs significatif que Spencer Lewis reconnaissait la Maîtrise de Cornelius Agrippa au point de le mentionner à diverses reprises (par exemple dans la "Maîtrise de la Vie") alors qu'après 1939, Ralph Lewis avait plutôt tendance à l'écarter discrètement pour ne pas avoir à assumer d'inutiles difficultés.
Nous sommes donc à Lyon où Agrippa surgit en 1524.
Il est relativement facile de se représenter le milieu de Rosicruciens avancés au sein duquel Agrippa rayonne.
Il s'agit des "angéliques"...
Sans accès privilégié à la "conscience cosmique", comment comprendre ce que cache cette formulation?
Ce terme fournit pourtant les clefs, si l'on comprend que le terme d'"ange", doit d'abord être dégagé des superstitions religieuses et de l'approche des magiciens de l'astral pour retrouver le sens grec άγγελος (aggelos) qui correspond à ce que nous nommerions un "Guide" ou un "Maître Cosmique"...
Encore de nos jours un "messager" se dit en grec "αγγελιαφόρος" (aggeliaforos) avec l'idée d'agir comme un ange...
Nous voyons donc se rassembler à Lyon une fraternité d'initiés qui assument un mission de relai de "Messagers Cosmiques".
Un pouvoir particulier se trouve à leur disposition: Gutemberg, mort en 1468, a légué à la postérité une grande nouveauté: les presses à imprimer et Lyon devient un grand centre d'imprimeurs en particulier avec l'arrivée de Sebastien Gryphe qui crée en 1536, avec le financier Hugues de la Porte, son Atelier du Griffon.
Mais dans le contexte inquisitoire de l'époque, il convient de rester très prudent et les "angéliques" doivent naturellement rester invisibles et secrets.
Les imprimeurs constituent naturellement une "guilde", une corporation, dont le rayonnement déborde le simple cadre de l'édition et du commerce des libraires pour concerner tout un vivier rayonnant d'écrivains, de poètes, d'érudits et naturellement des chercheurs et des mystiques, hommes et femmes.
L'histoire raconte que de, même que le Roi François Ier fréquentait assidûment la guilde des imprimeurs parisiens, sa sœur Marguerite de Navarre (qui n'était pas encore la Grand-Mère d'HenriIV) accueillit comme médecin personnel Cornelius Agrippa...
Il est encore assez facile, de nos jours de reconstituer une liste de personnes qui, comme Rabelais, Clément Marot ou Nostradamus, gravitaient autour des angéliques...
Mais l'histoire serait incomplète sans relever une évidente jonction entre les "angéliques" et "l'AGLA"...
Dans "Agla", nous retrouvons naturellement nos "aggeliaforos" et nous voyons se profiler une formule magique pour les invoquer ...
En effet AGLA est un sigle que l'on prononce selon l'intention "agla", "aggéléa" ou "aggélia" et en hébreu אגלא (agla) propose une respectueuse formule hébraïque (אתה גבור לעולם אדני) "Atah Gibor Leolam Adonai" qui est généralement traduite par "A toi seigneur puissant et éternel".
Si les Rosicruciens ne manquent pas de reconnaitre en "AGLA" une expression active de ce que les grecs nommaient le "Noùs", exprimant les deux polarités de la création, agissant en croix, à éveiller et à apurer en soi, constituée de "l'Esprit" qui permet d'AGlomérer la matière que la "Force Vitale" alLAite, cela n'empêche pas les apprentis sorciers d'être à la recherche de pouvoirs immérités et de rituels pittoresques commençant par placer 4 archanges autour de leur cercle magique comme le ferait un sympathique dresseur de caniches.
Mais l'AGLA n'a pas été créé à Lyon au 16e siècle...
En effet, le talentueux maître d'œuvre Villard de Honnecourt mentionnait déjà l'Agla au 13e siècle dans son célèbre et magnifique manuscrit dont il reste encore quelques pages à la Bibliothèque Nationale dans lequel il convient d'apprécier en particulier le Christ en croix cachant sa nudité avec un "perizonium" (un pagne) fermé avec une boucle comme le font parfois les Rosicruciens avec leur tablier; et la curieuse trinité composée de Jésus, Marie et Saint Jean qui se reconstitue dans l'image ci-dessus révélant un aspect de l'AGLA.
Apprécier aussi l'époque épique, qu'est la notre, où certains pensent sincèrement parvenir à la Maîtrise en s'emparant pour leur seul profit des meilleurs pages des manuscrits publics!
Mais l'Agla semblait également connue des "Parfaits" (les "Cathares", = les purifiés) qui laissèrent au 13e siècle l'inscription suivante dans les "spoulga", leurs grottes consacrées.
A Lyon l'Agla des Angéliques était liè à un symbole connu sous le nom de "Quatre de Chiffre".
Comme les Habitués le savent bien, le propre d'un symbole est de représenter sous une forme abstraite une essence divine susceptible de s'exprimer sous des manifestations diverses, parfois très différentes...
C'est ainsi que le "Quatre de Chiffre" peut représenter une presse manuelle d'imprimeur.
En effet, chacun peut imaginer que la partie supérieure est en mesure de s'abaisser pour imprimer un document.
Mais le "Quatre de Chiffre" exprime pour les initiés la Croix de l'Agla et au cas où l'inquisition montrerait le bout de son nez, il serait aisé de se justifier en précisant qu'il s'agit d'une représentation du signe de croix des chrétiens, représentation justifiée par le fait que la grosse activité de la Guilde des Imprimeurs consiste alors à imprimer des Bibles...