Nous somme à Lyon, dans la presqu'île, devant l'entrée du 27 rue Sainte Hélène, un vieil immeuble construit au 19e siècle et où serait né Joséphin Péladan le 28 mars 1858.
Il est écrit "serait" car certains spécialistes affirment qu'il est né le 28 mars 1859, et d'autres enfin qu'il serait né au 11 de la même rue...
Les Habitués connaissent cette affirmation de Péladan reprise un peu partout:
-"Par mon père, le chevalier Adrien Péladan, affilié dès 1840 à la néo-templerie des Genoude, des Lourdoueix – qui cinquante années tint la plume au clair pour l’Église, contre les parpaillots, pour le Roy contre la canaille – j’appartiens à la suite de Hugues des Païens. Par mon frère, le docteur Péladan, qui était avec Simon Brugal, de la dernière branche des Rose+Croix, dite de Toulouse, comme les Aroux, les d’Orient, le vicomte de Lapasse – et qui pratiqua la médecine occulte, sans rémunération – je procède de Rosencreuz."
La formulation est finalement très floue et le terme "procéder", ("tenir ses origines de" et "agir en conséquence") n'exclue pas les dons complémentaires que Joséphin Péladan pourrait garder sous silence...
Risquons une spéculation: comme cela arrive parfois, supposons qu'un jour Adrien Péladan père qui exerçait une activité de journaliste pour différents journaux et revues catholiques se voie autorisé à consulter une malle remplie de documents...
Curieusement, l'histoire de la tradition, et de la tradition lyonnaise en particulier connait déjà une étrange malle: celle de Steel-Maret...
En 1893 parût à Lyon sous forme de feuilleton, "Les archives secrètes de la Franc-Maçonnerie" qui comportaient nombre d'informations sur certains aspects maçonniques à l'origine du Rite Écossais Rectifié.
Ce feuilleton d'archives était signé Élie Steel-Maret, un pseudonyme collectif qui cachait un libraire chiromancien, Gervais Annet Bouchet (1863-1927), et un médecin qui devint député, Marius (en réalité Marie-Gabriel) Boccard (1869-1928).
Boccard, alors qu'il était étudiant en médecine à Lyon, louait une chambre de bonne, précisément rue Sainte Hélène, dans laquelle il mit la main sur une vieille malle...
A l'évidence il s'agissait de certaines archives de Jean Baptiste Willermoz contenant des rituels, et des courriers échangés avec Martines de Pascually, Louis-Claude de Saint-Martin, le Baron von Hund et bien d'autres.
Willermoz, qui fut condamné à mort et ne dut finalement son salut qu'à l'exécution de Robespierre, laissait entendre qu'il n'avait plus rien et qu'une malle d'archives lui avait été dérobée, mais naturellement durant la tourmente révolutionnaire il allait de soi que ses documents devaient, autant que possible, être mis en lieux sûrs.
A ce sujet Sainte Hélène semble un clin d'œil... Elle fut au 3e siècle de notre ère, la mère de l'empereur Constantin et c'est elle qui, dans les coulisses du christianisme naissant, détermina la position de Bethléem (la naissance symbolique) ou du Golgotha (la mort symbolique) et plus généralement les "lieux saints" de Jerusalem. avant de promouvoir des reliques et les pèlerinages en "terre sainte".
A Lyon, la rue Sainte Hélène fut tracée tardivement sur une voie inondable de l'ile des Canabae (les entrepôts des gallo-romains) qui se rattacha progressivement à la presqu'île. Il y eut d'abord de modestes recluseries (des ermitages) qui prirent le nom de Saint Hélène, puis au 17e siècle un monastère de la visitation s'installa avant que le quartier ne devienne non loin des remparts d'Ainay une secteur affectionné par la bourgeoisie lyonnaise.
Mais revenons au feuilleton des archives... Sa parution fut éphémère, et conduisit rapidement les deux hommes qui avaient besoin d'argent à se défaire par parties des documents. Certaines lettres furent vendues en Allemagne, tandis que Bouchet se heurta aussi à la branche de la maçonnerie qui considérait que les documents n'avaient aucune valeur et que la maçonnerie willermozienne n'était pas de la vraie maçonnerie...
Toutefois, en 1895, une partie des documents se retrouva entre les mains de Papus (Gérard Encausse 1865-1916) qui resta très évasif sur leur provenance qui lui permit pourtant d'étoffer l'Ordre Martiniste qu'il avait commencé à créer dès 1891 et de prendre conscience de l'importance fondamentale du rôle de Willermoz qui était alors encore inconnu.
On devine par des lettres de Papus que Bouchet devint Martiniste tandis que Boccard affirmait que tout était parti et qu'il ne détenait plus rien de son côté.
Toutefois en 1956, une autre partie des archives qui constitue actuellement le "fond Willermoz" fut achetée à Amsterdam par la Bibliothèque Municipale de Lyon...
Mais d'autres éléments issus de cette malle peuvent encore circuler et refaire surface. A titre d'exemple, songeons qu'en 2000 furent restituées par la Russie des archives maçonniques que les allemands avaient recueilles en 1940 et que les russes n'avaient pas manqué de récupérer en 1945...